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Et si on vivait tous·tes en coloc en 2050 ?
Esther Meunier&
Nicolas Quénard
Esther Meunier&
Nicolas Quénard
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Et si on te disait que la coloc’, ou la cohabitation au sens plus large, c’était un super plan côté réduction de ton empreinte carbone ?
Pas évident comme ça mais dans les projections pour atteindre la neutralité carbone (le moment où on n’émet pas + d’émissions de gaz à effet de serre que ce qui peut être absorbé), les spécialistes réfléchissent à réduire les surfaces habitées par personne, et la cohabitation pourrait être une bonne soluce ✨
Et ça, c’est permis par plusieurs avantages de la vie à plusieurs 😌
Pas hyper optimisé comme système : Jean Christophe Visier, chargé de prospective CSTB-ADEME (Agence de la Transition Écologique) explique qu’effectivement, le type de logements qui existe actuellement était plutôt conçu pour des familles nombreuses. Sauf que : « on vit moins nombreux avec l’augmentation des divorces, le nombre d’enfants qui diminue et la population vieillissante qui vit souvent seule ou à deux. »
Le problème, c’est que construire de nouveaux bâtiments pour loger tout le monde :
Il faudrait donc imaginer des façons de réutiliser ce qui existe déjà, comme l’ont fait plusieurs personnes dont on a recueilli les témoignages ♻️
L’étude publiée dans Environemental Research Letters dont on te parle plus haut explique que, quand les gens vivent ensemble, ils partagent le chauffage, la clim, l’éclairage → si tu occupes moins d’espace (parce que tu partages certaines pièces avec d’autres), tu fais des économies d’énergie 😍
D’ailleurs, Jean-Christophe Visier considère qu’on pourrait revoir la manière de calculer les diagnostics de performances énergétiques* des bâtiments : aujourd’hui ils sont calculés au m2, donc c’est la même étiquette si l’appartement est occupé par 1 personne ou par 3, alors qu’à 3 dedans on consomme moins par personne.
D’après une étude de l’APUR que nous commente Jean Christophe Visier, ça se voit à Paris : « On a tendance à penser qu’on consomme plus dans les quartiers populaires car l’isolation est moins bonne, mais c’est dans les quartiers aisés que la consommation par personne est la plus élevée, parce que les logements sont plus grands et moins de personnes vivent dedans. »
(Attention quand même à ne pas tomber dans l’extrême inverse des « marchands de sommeil qui aujourd’hui entassent des immigrés sans papiers en leur faisant payer très cher dans des espaces minuscules » avertit Jean-Christophe)
Sans aller jusqu’à la colocation complète, certaines formes de cohabitation ou de partage peuvent avoir des avantages similaires : comme l’explique Adrien, « un bâtiment partagé en 2, où d’autres se chauffent, créée forcément une inertie thermique ». En gros, si la maison était en 2 blocs séparés plutôt qu’un seul bloc, il faudrait chauffer davantage, alors que là c’est comme si les 2 blocs se tenaient chaud 🤝
Se lancer dans la coloc, ou la cohabitation, ça permet aussi de mutualiser d’autres choses que l’espace et le chauffage : Lucile raconte par exemple partager la machine à laver, Adrien parle du vieux four à pain qui est au centre de la maison et commun aux deux couples.
« Comme ce sont du matériel ou des pièces dont on se sert pas tout le temps, autant que ce soit partagé. »
Lucile
Nathalie Ortar, socio-anthropologue qui travaille beaucoup sur la question des logements et de la transition énergétique explique que ce sont des choses qui sont déjà répandues dans certains pays comme la Suède, avec une buanderie pour tout l’immeuble, par exemple.
Y a quand même quelques trucs qui rendent ce mode de vie pas encore tout à fait accessible.
Déjà, au niveau des habitudes : les coloc’ sont répandues chez les jeunes, mais beaucoup moins dans d’autres segments de population. Ça veut pas dire que ça ne peut pas évoluer !
« Jusque dans les années 1950, c’était naturel, et la plupart des gens habitaient à la campagne avec plusieurs générations sous le même toit. »
Nathalie Ortar
Pour elle, sans revenir à ce modèle exactement, il serait envisageable de faire cohabiter plusieurs générations même si elles ne sont pas forcément de la même famille. Dominique Gauzin-Müller évoque l’exemple d’associations qui mettent en relation des étudiant·es et des personnes âgées, ce qui permet au-delà de l’aspect écolo de recréer des liens sociaux, de se rendre des services mutuellement, etc !
Lucile, elle, estime que ça a aussi un intérêt « pédagogique » : « Mes enfants sont ravis ! Il y a des gens à la maison et ça leur permet d’ouvrir un peu leur esprit au monde qui les entoure. »
L’autre gros frein, c’est que c’est pas toujours facile de trouver les lieux pour faire vivre ce type de projets (les bâtiments adaptables, ou les terrains à réinvestir comme certaines friches).
Et puis au niveau administratif, ça peut être une vraie galère : la propriété privée reste très importante culturellement en France, donc acheter en commun c’est déjà pas facile d’un point de vue humain, mais en plus les formes juridiques qui le permettent ne sont pas toujours claires.
En gros, c’est un modèle intéressant d’un point de vue écolo, mais il reste quelques obstacles à lever. Une idée (parmi d’autres) de Jean-Christophe Visier serait de plus taxer s’il y a beaucoup de mètres carrés inoccupés 🤷♀️
Diagnostics de performance énergétique : Méthode d’évaluation des logements, de leurs systèmes de chauffage et d’isolation notamment, pour voir à quel point il faut consommer de l’énergie pour le chauffer par exemple.
Interview de Dominique Gauzin-Müller, architecte-chercheuse, cofondatrice du mouvement de l’architecture frugale
Interview de Nathalie Ortar, socio-anthropologue spécialiste des modes d’habiter et de la transition écologique
Interview de Jean Christophe Visier, chargé de prospective CSTB-ADEME
Témoignages de Lucile Voge et Adrien Acquistapace
Environmental Research Letters - Quantifying the potential for climate change mitigation of consumption options
Réflexions immobilières n°100 - La sobriété immobilière, un défi à relever
Réflexion bâtiments responsables et territoires - Vers une Sobriété immobilière et solidaire
GCCA - Global cement and concrete industry announces roadmap to achieve groundbreaking ‘net zero” CO2 emissions by 2050
APUR - Paris, des enjeux de rénovation énergétique très forts pour plus de la moitié des logements
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