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Canicule de 2003 : « Je me levais le plus tard possible et je vivais la nuit. »

Cette année marque les 20 ans de la canicule de 2003, la fameuse qui a marqué les esprits et déclenché une meilleure politique de prévention en cas de fortes chaleurs (il faut dire qu’elle avait provoqué 15 000 décès rien qu’en France, et 70 000 en Europe 😰).

Depuis, il y a eu de nombreux autres épisodes caniculaires… Mais qu’est-ce qui avait rendu celui de 2003 si marquant dans les esprits de celles et ceux qui l’ont vécu ?

T’as peut-être toi-même ta petite anecdote (moi par exemple, mon seul souvenir, c’est mon petit frère qui vomit dans la voiture en plein milieu du désert espagnol, alors qu’on suffoquait sous la chaleur : c’était un combo sympa pour le voyage). Ou bien tu ne t’en souviens pas parce que t’étais pas né·e ou trop jeune 👼

SONDAGE
Et toi, tes souvenirs de 2003 c’est…

Quoi qu’il en soit, on a réuni des témoignages pour se replonger dans l’ambiance de l’époque, entre volets fermés, anxiété et prémices des effets du changement climatique.

Concrètement, vivre la canicule de 2003, c’était comment ?

Comme c’était il y a 20 ans, on a reçu beaucoup de témoignages de personnes qui regardaient tout ça avec leurs yeux d’enfants.

  • Il y a Estelle, Margaux et d’autres qui ont « passé l’été en petite culotte », à se mettre sous les tuyaux d’arrosage ou « avec les fesses qui collaient aux sièges en cuir » de leurs grands-parents. D’autres « se promenaient toutes nues dans la maison », passaient leur temps à la recherche de l’ombre en vacances, ou paniquaient parce que « on passait les 35°C pour la première fois » (sweet summer child… 🥲).
  • Il y a aussi toutes celles et ceux qui ont vu leurs mamans enceintes en souffrir… et lesdites mamans qui parlent de « jambes lourdes », d’une « horreur », et d’avoir « accouché le 26 juillet d’un bébé qui a porté son premier pyjama le 30 septembre » tellement il faisait chaud !

Face à ces « sensations de chaleur jusqu’à chaque inspiration par le nez », ces « nuits impossibles », il y avait pas mal de stratégies d’adaptation :

  • Nadège et d’autres ont descendu les matelas au rez-de-chaussé voir dans le garage pour qu’il fasse moins chaud. Certain·es parlent même d’avoir dormi sur le carrelage pour chercher la fraîcheur 😰
  • Énormément de monde qui décrit un été « passé dans le noir ». Pour Clémence c’est même un souvenir qui a été ravivé par les confinements liés au Covid : « C’était pareil on pouvait pas sortir, on commençait à ouvrir vers 20h et moi à 16 ans, je me levais le plus tard possible et je vivais la nuit. » ✨
  • Même les départs en vacances étaient adaptés : Mathilde a fait la route de nuit avec ses parents, parce que la voiture n’avait pas la clim’... et à l’inverse Tiphaine était ravie d’aller voir son papa qui venait de se faire opérer à l’hôpital parce que… il y avait la clim’ dans sa chambre 😏

À travers tous les témoignages reçus (nombreux ! merci pour ça !), on voit quand même une grosse différence qui se dégage entre celles et ceux qui vivaient à la campagne et celles et ceux coincé·es en ville. Quand une partie des premier·ères investissaient dans des mini-piscines ou sautaient dans les rivières, d’autres se mettaient sous la douche froide à tour de rôle et étaient choqué·es de voir le goudron fondre.

Marie-Line, qui vivait dans les Yvelines avec sa fille de 3 ans explique avoir eu « la chance d’avoir ses parents en campagne à seulement 9 km, ce qui faisait au moins 4 degrés d’écart et une différence notable grâce aux arbres et à la végétation » (on le dira jamais assez, végétaliser c’est une des clés face la hausse des températures 🤷‍♀️).

Angoisser pour ses proches fragiles : l’autre facette de la canicule de 2003

Ce qui revient aussi énormément dans les messages qu’on a reçus, c’est le choc devant les informations qui parlaient des nombreux décès des personnes âgées, et l’angoisse que ça générait quand on avait soi-même des proches vulnérables. On a reçu des dizaines de messages qui parlent de cette inquiétude, des appels quotidiens pour vérifier que son grand-père ou sa grand-mère buvait suffisamment d’eau, restait à l’ombre ou au frais, etc 😞

Elisabeth se souvient de sa belle-mère qui passait ses journées « face au ventilateur, serviette humide sur la tête et pieds dans une bassine d’eau ». Lucie B. de son papa, qui souffre d’une sclérose en plaque et que la chaleur affectait aussi particulièrement.

Il y avait de vraies raisons de s’inquiéter : faute d’une prévention suffisante, 15 000 décès supplémentaires sont survenus en France cet été-là par rapport à un été normal. Laïla vivait à Paris, et elle se souvient nettement de sa sœur, qui était infirmière aux urgences, qui leur racontait que leurs services étaient débordés.

Là encore, on peut parler des inégalités face à cette canicule. Le département de la Seine-Saint-Denis, le plus pauvre de France avec une part importante de population immigrée ou descendante d’immigrée, a été très fortement touché par la vague de chaleur de 2003 : une surmortalité de +160% y a été constatée cet été-là. Comme s’en rappelle une autre Lucie : « J’ai été très choquée d’apprendre ça 18 ans après la canicule, avec le rapport Un climat d’inégalités. »

La nature aussi a souffert face à la canicule

Si tu ne te souviens pas de 2003, tu te souviens peut-être des paysages asséchés et jaunis de l’été 2022, jusqu’en Normandie. Eh bien les effets que la canicule de 2003 a eu sur l’environnement direct ou les animaux sont aussi restés nettement dans la mémoire collective.

  • Par exemple, (encore une autre) Lucie raconte que la source qui alimentait son petit village de montagne, en Isère, a été tarie et qu’il était difficile de se fournir en eau.
  • Ce qui fait écho au témoignage d’Isabelle, qui travaillait dans la logistique agro-alimentaire et explique que les supermarchés « commandaient des camions et des camions d’eau, qui étaient parfois installés directement sur les parkings pour que les gens puissent se servir : tout le monde utilisait beaucoup d’eau mais il y avait des endroits où il n’y en avait plus du tout donc les gens n’avaient pas le choix ».
  • Lucie B. parle de son potager « grillé ». Tiphaine, de l’agriculteur qui l’hébergeait cet été-là et du désarroi de celui-ci face à ses bêtes « qui gisaient sur le sol, qui ne parvenaient pas à survivre à cette chaleur ». Noémie, des « petits animaux cuits sur les routes » et Clémentine de son lapin… mort de chaud. Ambiance.

Beaucoup de témoignages mentionnent aussi les feux de forêts qui ont ravagé la France cet été-là et les allers-retours incessants des canadairs. Nicolas se souvient « des restes de côteaux de chênes verts et lièges brûlés, qu'on avait autrefois connus verdoyants ». Il faut dire qu’au cours de l’été 2003, plus de 72 000 hectares ont brûlé, ce qui est équivalent à l’été 2022 : du jamais vu à l’époque alors que la moyenne des 10 années précédentes était de 19 000 hectares 🤯

Pour beaucoup, cette canicule a donc été un électrochoc.

La canicule de 2003 : prémices d’une longue série ?

Un autre élément qui ressort des nombreux messages reçus est l’aspect exceptionnel que ça avait pris à l’époque… comparé à ce qui s’est passé ces dernières années.

Vous êtes beaucoup à dire « qu’en y repensant aujourd’hui, on imaginait pas ça reviendrait aussi souvent, et encore plus chaud » et qu’en voyant « la banalité de ces événements aujourd’hui, ça permet de mesurer la dégradation »…

En 2003, le changement climatique d’origine humaine avait au moins doublé le risque de connaître une telle vague de chaleur. Et aujourd’hui, les scientifiques sont formel·les : ces vagues de chaleur vont devenir plus fréquentes et plus intenses.

On commence déjà à le voir ces dernières années, mais à l’époque, Barbara se rappelle que dans les débats sur le changement climatique qui avaient suivi cette canicule dans son lycée, « on pensait que nous, on le vivrait pas ». Cette innocence 🥲

Témoignages reçus
Notre affaire à tous - Un climat d’inégalités
Sénat - La France et les Français face à la canicule : les leçons d'une crise (Rapport d’information n°195)

Esther Meunier
À la recherche de bonnes nouvelles

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