
6 min
Canicule de 2003 : « Je me levais le plus tard possible et je vivais la nuit. »
Esther Meunier
Esther Meunier
Cette année marque les 20 ans de la canicule de 2003, la fameuse qui a marqué les esprits et déclenché une meilleure politique de prévention en cas de fortes chaleurs (il faut dire qu’elle avait provoqué 15 000 décès rien qu’en France, et 70 000 en Europe 😰).
Depuis, il y a eu de nombreux autres épisodes caniculaires… Mais qu’est-ce qui avait rendu celui de 2003 si marquant dans les esprits de celles et ceux qui l’ont vécu ?
T’as peut-être toi-même ta petite anecdote (moi par exemple, mon seul souvenir, c’est mon petit frère qui vomit dans la voiture en plein milieu du désert espagnol, alors qu’on suffoquait sous la chaleur : c’était un combo sympa pour le voyage). Ou bien tu ne t’en souviens pas parce que t’étais pas né·e ou trop jeune 👼
Quoi qu’il en soit, on a réuni des témoignages pour se replonger dans l’ambiance de l’époque, entre volets fermés, anxiété et prémices des effets du changement climatique.
Comme c’était il y a 20 ans, on a reçu beaucoup de témoignages de personnes qui regardaient tout ça avec leurs yeux d’enfants.
Face à ces « sensations de chaleur jusqu’à chaque inspiration par le nez », ces « nuits impossibles », il y avait pas mal de stratégies d’adaptation :
À travers tous les témoignages reçus (nombreux ! merci pour ça !), on voit quand même une grosse différence qui se dégage entre celles et ceux qui vivaient à la campagne et celles et ceux coincé·es en ville. Quand une partie des premier·ères investissaient dans des mini-piscines ou sautaient dans les rivières, d’autres se mettaient sous la douche froide à tour de rôle et étaient choqué·es de voir le goudron fondre.
Marie-Line, qui vivait dans les Yvelines avec sa fille de 3 ans explique avoir eu « la chance d’avoir ses parents en campagne à seulement 9 km, ce qui faisait au moins 4 degrés d’écart et une différence notable grâce aux arbres et à la végétation » (on le dira jamais assez, végétaliser c’est une des clés face la hausse des températures 🤷♀️).
Ce qui revient aussi énormément dans les messages qu’on a reçus, c’est le choc devant les informations qui parlaient des nombreux décès des personnes âgées, et l’angoisse que ça générait quand on avait soi-même des proches vulnérables. On a reçu des dizaines de messages qui parlent de cette inquiétude, des appels quotidiens pour vérifier que son grand-père ou sa grand-mère buvait suffisamment d’eau, restait à l’ombre ou au frais, etc 😞
Elisabeth se souvient de sa belle-mère qui passait ses journées « face au ventilateur, serviette humide sur la tête et pieds dans une bassine d’eau ». Lucie B. de son papa, qui souffre d’une sclérose en plaque et que la chaleur affectait aussi particulièrement.
Il y avait de vraies raisons de s’inquiéter : faute d’une prévention suffisante, 15 000 décès supplémentaires sont survenus en France cet été-là par rapport à un été normal. Laïla vivait à Paris, et elle se souvient nettement de sa sœur, qui était infirmière aux urgences, qui leur racontait que leurs services étaient débordés.
Là encore, on peut parler des inégalités face à cette canicule. Le département de la Seine-Saint-Denis, le plus pauvre de France avec une part importante de population immigrée ou descendante d’immigrée, a été très fortement touché par la vague de chaleur de 2003 : une surmortalité de +160% y a été constatée cet été-là. Comme s’en rappelle une autre Lucie : « J’ai été très choquée d’apprendre ça 18 ans après la canicule, avec le rapport Un climat d’inégalités. »
Si tu ne te souviens pas de 2003, tu te souviens peut-être des paysages asséchés et jaunis de l’été 2022, jusqu’en Normandie. Eh bien les effets que la canicule de 2003 a eu sur l’environnement direct ou les animaux sont aussi restés nettement dans la mémoire collective.
Beaucoup de témoignages mentionnent aussi les feux de forêts qui ont ravagé la France cet été-là et les allers-retours incessants des canadairs. Nicolas se souvient « des restes de côteaux de chênes verts et lièges brûlés, qu'on avait autrefois connus verdoyants ». Il faut dire qu’au cours de l’été 2003, plus de 72 000 hectares ont brûlé, ce qui est équivalent à l’été 2022 : du jamais vu à l’époque alors que la moyenne des 10 années précédentes était de 19 000 hectares 🤯
Pour beaucoup, cette canicule a donc été un électrochoc.
Un autre élément qui ressort des nombreux messages reçus est l’aspect exceptionnel que ça avait pris à l’époque… comparé à ce qui s’est passé ces dernières années.
Vous êtes beaucoup à dire « qu’en y repensant aujourd’hui, on imaginait pas ça reviendrait aussi souvent, et encore plus chaud » et qu’en voyant « la banalité de ces événements aujourd’hui, ça permet de mesurer la dégradation »…
En 2003, le changement climatique d’origine humaine avait au moins doublé le risque de connaître une telle vague de chaleur. Et aujourd’hui, les scientifiques sont formel·les : ces vagues de chaleur vont devenir plus fréquentes et plus intenses.
On commence déjà à le voir ces dernières années, mais à l’époque, Barbara se rappelle que dans les débats sur le changement climatique qui avaient suivi cette canicule dans son lycée, « on pensait que nous, on le vivrait pas ». Cette innocence 🥲
Témoignages reçus
Notre affaire à tous - Un climat d’inégalités
Sénat - La France et les Français face à la canicule : les leçons d'une crise (Rapport d’information n°195)
« Ma mère a failli tomber dans les pommes quand j'ai dit que j’étais végé. »
« Ma génération est en grande partie responsable de l’état de la planète. »
« Entre ma vie pro et la charge mentale écolo, j’ai peu de moment de détente. »
« Je suis triste de savoir que ce que j’ai connu est en train de disparaître. »
Lien copié !
Article enregistré !