Aujourd’hui : la parole à Nathan, 27 ans, qui a passé toute sa vie dans le Jura. Tu as déjà pu lire une partie de son témoignage dans une discussion avec ses parents et sa grand-mère publiée sur l’évolution de la montagne. Comme il avait encore plus de choses à dire, voilà son témoignage en entier !
J’ai eu un déclic par rapport au ski je pense. J’ai grandi à 700 mètres d’altitude, dans un petit village, j’ai passé énormément de temps dehors. J’ai toujours crapahuté dans les montagnes, fait du vélo, construit des cabanes… et fait du ski donc.
Quand je prenais mes cours de ski (que maintenant je donne bénévolement), on arrivait à faire tous les cours aux dates prévues. Et là typiquement cette année, peut-être que c’est exceptionnel mais pour moi c’est dans la lignée des 5 années précédentes, on peut pas commencer à la date prévue car il n’y a pas encore assez de neige. Ou on fait un cours mais on doit annuler le suivant parce que ça fond…
Même les glaciers alpins, la mer de glace à Chamonix, c’est désolant. Quand tu es au pied, tu vois la trace de là où était la glace avant et maintenant tu as un grand vide. C’est très beau mais c’est très triste, ça me met plus le cafard qu’autre chose. Le glacier de la Grande Motte à Tignes a énormément fondu aussi, à l’époque on pouvait glisser en ski d’une montagne à l’autre en restant sur le glacier et aujourd’hui il y a une remontée mécanique parce qu’on ne peut plus le faire.
Ces évolutions, elles se voient pas seulement en hiver : il fait aussi beaucoup plus chaud l’été. L’été dernier, on a eu le premier gros feu de forêt dans le Jura, on se serait cru dans le sud.
C’est en plus favorisé par le fait que les populations d’arbres résineux ont beaucoup plus de maladies maintenant. Il y a aussi la pyrale du buis, des chenilles venues de Chine, qui ont dévoré tous les arbustes.
Après côté biodiversité, on a quand même le retour du loup. De mon point de vue c’est une bonne chose, même si je risque de me faire des ennemis en disant ça haha !
C’est vrai que les agriculteurs, comme il y a eu des vaches qui ont été tuées, ça les inquiète, et les chasseurs pensent que ça leur fait une forme de concurrence… Donc le préfet a autorisé le fait d’abattre deux ou trois loups pour calmer les esprits, parce que les agriculteurs voulaient commencer à se défendre eux-mêmes, enfin ça a été vraiment chaud à un moment l’année dernière. On voulait même nous interdire de skier la nuit, alors que c’est un animal qui n’attaque pas l’Homme !
Ça veut dire qu’il y a de la biodiversité, qu’il y a à manger, c’est aussi un retour juste et normal que la nature soit présente dans un territoire comme le Jura qui est essentiellement rural et montagneux. Donc c’est pas à l’Homme de décider s’il doit être là ou pas, à partir du moment où il a un biotope* qui lui est favorable, on peut pas lutter contre ça.
Dans l’ensemble, c’est un peu le seul point positif que je vois. Je suis plutôt pessimiste sur l’avenir de l’évolution du climat en montagne, de mon milieu en tout cas. Je suis triste de savoir que ce que j’ai connu est en train de disparaître et que mon neveu, ma nièce, ne connaîtront pas la même chose.
Hier je regardais le soleil descendre, mes ski au pied, sur la neige, et je me suis dit « ça c’est quelque chose dont il faut que je profite parce que potentiellement dans 10 ans ça sera plus là ».
Et là quand je suis dans cet état, j’en veux tellement aux costards-cravate qui en ont rien à foutre et qui font tout pour la thune. Ces gens-là ne se rendent pas compte du mal qu’ils font au plus grand nombre.
Biotope : Milieu de vie bien délimité géographiquement, dans lequel les conditions (température, humidité, etc) sont homogènes et bien définies, et permettent aux êtres vivants qui y vivent de s’épanouir (ensemble, le biotope et ces êtres vivants forment un écosystème).
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