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Pourquoi les quartiers populaires subissent plus les fortes chaleurs l’été ?
Louisa Benchabane
Louisa Benchabane
On est d’acc pour dire que quand un épisode de canicule traverse le pays, tout le monde le subit. MAIS on le vit pas tous·tes de la même manière.
Les quartiers populaires (qu’on appelle aussi QPV* quel nom charmant) subissent de fou les vagues de chaleur extrêmes, qui vont devenir de plus en plus fréquentes avec le changement climatique.
Pendant la canicule de 2003, la Seine-Saint-Denis, qui est un département dense et dont la population est plus pauvre que la moyenne française, avait été le 2e département français le plus touché avec une surmortalité de 160%. On t’explique pourquoi 👇
Le ressenti et les conséquences des vagues de chaleur sont multipliés en ville, surtout quand les espaces urbains ne sont pas adaptés → on parle d’îlots de chaleur urbains.
Tu dois un peu te douter de ce que c’est (surtout si t’es un·e habitué·e NOWU 😎) mais en bref c’est des endroits en ville où les températures sont particulièrement élevées de jour comme de nuit, par rapport aux zones rurales les plus proches 🌡️
Petit disclaimer : les quartiers populaires ne sont pas forcément les quartiers les plus exposés à ces îlots de chaleur, selon Olivier Richard de l’Apur (Atelier parisien d’urbanisme). « C’est les quartiers centraux de Paris, vers l’ouest, qui sont dans le rouge. »
Dans ces quartiers centraux, on retrouve plus de personnes avec un statut de cadre ou de profession intellectuelle supérieure (avec, statistiquement, de + hauts revenus) que des personnes avec un statut d’employé et d’ouvrier (avec des revenus plus bas) → Les plus pauvres et précaires ne sont donc pas les seul·es en première ligne. Ça s’explique par le fait que l'effet îlot de chaleur urbain est plus intense en centre-ville, où le logement est plus cher, qu'en banlieue.
Mais les quartiers populaires souffrent quand même de ce phénomène ! Et pour plusieurs raisons.
« Dans les quartiers populaires, on trouve généralement un faible ratio d’espaces verts et de pleine terre par habitant·e » explique Maïder Olivier, chargée de Plaidoyer et Mobilisation mal-Logement et Précarité Énergétique pour la fondation l’Abbé Pierre.
Par exemple, dans la ville d’Aubervilliers en banlieue parisienne, il n’y a que 3m2 d’espace vert par habitant·e 🌳
Pendant la canicule de 2003 :
Les quartiers populaires sont souvent denses et on y retrouve donc plus de béton, selon la fondation Abbé Pierre : « C’est un matériau qui stocke la chaleur pendant la journée et la rediffuse pendant la nuit. » → Cette bétonisation limite le refroidissement de l’air la nuit.
« Ça pose un gros problème, car c’est la nuit justement que les corps ont besoin de se reposer » insiste Maïder Olivier. Plus la température est élevée → plus le corps dépense de l’énergie pour essayer de se rafraîchir → c’est pas terrible pour la santé 🥵
On l’a dit juste au-dessus, les habitant·es des quartiers riches sont aussi concerné·es par les ilôts de chaleur urbains.
La grosse diff avec les habitant·es des quartiers plus modestes, c’est que « la capacité de se protéger de la chaleur dans les QPV est moins importante car il y a une intersection avec d’autres formes de précarité » insiste Maïder Olivier.
Si les habitant·es des quartiers populaires subissent plus la chaleur, c’est surtout à cause de leurs logements, qui sont moins bien isolés que dans d’autres quartiers 🏢
Comme tu peux voir, d’après un sondage de l’institut Harris Interactive, 70% des habitant·es des quartiers populaires confient que la température est trop élevée dans leur logement pendant l’été. Et ils peuvent pas grand-chose contre ça 😥
En partie parce qu’ils sont majoritairement locataires, ce qui rend les travaux plus compliqués, au contraire des personnes plus aisées financièrement (et propriétaires) qui peuvent faire des travaux de rénovation énergétique chez elles ou même juste installer un climatiseur.
Pour décrire cette incapacité à se rafraîchir, on parle de précarité énergétique d’été.
Les personnes concernées ont du mal à garder leur logement agréable face aux fortes chaleurs, en mettant une clim’ par exemple → ça consomme beaucoup d’énergie et du coup ça fait des grosses factures.
C’est surtout les jeunes, les personnes âgées et les habitant·es des quartiers populaires qui sont les plus concerné·es par cette précarité énergétique d’été.
Autre raison au fait que les quartiers populaires sont plus en danger face aux fortes chaleurs : la capacité moins importante à se déplacer et à partir en vacances, là où il fait plus frais 🚘
Comme le résume Olivier Richard :
« Il y a la question d'être captif·ve d'un territoire, car tout le monde ne peut pas aller à la mer ou en vacances pour fuir la chaleur. »
Certains quartiers populaires (« souvent des constructions les plus récentes » précise Maïder Olivier) sont végétalisés et souffrent moins de l’écart de chaleur que d’autres quartiers plus riches. « Il y a une tendance de l’urbanisme de favoriser la végétalisation de toutes les manières possibles, c’est un moyen puissant de lutter contre les chaleurs urbaines » explique Olivier Richard.
Tu l’as compris, pour faire de ces quartiers des espaces un peu plus agréables à vivre en cas de fortes chaleurs, il faut faire d'énormes travaux. Ça a été fait par un bailleur social à Aix-en-Provence par exemple, dans une résidence de plus de 700 logements au Jas de Bouffan 👷
Parmi tous les travaux réalisés, il y a eu l’isolation des bâtiments qui a été refaite, des jardins partagés plantés, et de la végétation installée en pied d’immeuble. Des volets coulissants ont aussi été posés pour que les locataires puissent gérer l’ombre dans leurs logements. Ces changements ont permis de faire baisser la température de l’air entre 1,5°C et 4°C entre la nuit et le jour, assure la SCOP Domene (une entreprise qui a accompagné la rénovation).
QPV : Quartiers prioritaires de la ville, ce sont des territoires définis par les pouvoirs publics pour être la cible prioritaire de la politique de la ville.
Interview de Maïder Olivier, chargée de Plaidoyer et Mobilisation mal-Logement et Précarité Énergétique pour la fondation l’Abbé Pierre
Interview de Olivier Richard, de l’Atelier parisien d’urbanisme
Atelier parisien d’urbanisme
Fondation Abbé Pierre
Chaîne Youtube de Réseau Rappel
Institut de veille sanitaire sur la vague de chaleur d’août 2003
Santé Publique France
Organisation Mondiale de la Santé
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