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Protéger 30% de la nature : vraie bonne idée ou greenwashing ?
Esther Meunier
Esther Meunier
Pour la ralentir, voire même l’inverser, un paquet de gens se creusent la tête et négocient un accord international qui devrait être conclu lors de la COP15, qui se tient en ce mois de décembre 2022 à Montréal. Parmi les solutions envisagées, il y a l’objectif 30 x 30.
Le but, c’est de protéger au moins 30% des terres, océans, etc. d’ici 2030. Ça reviendrait à peu près à doubler la surface des aires protégées actuelles. L’idée : que la nature puisse disposer d’espaces où se développer sans être menacée par les activités humaines.
C’est une solution défendue par beaucoup d’ONG de la « conservation de la nature », par exemple le WWF, avec le logo panda 🐼 Il y a aussi des pays (dont la France) qui veulent défendre cet objectif mondial, ou encore l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
A priori c’est un programme simple, basique, efficace.
Le truc, c’est qu’il y a quelques voix qui s’élèvent pour dire que c’est pas l’idée du siècle.
En théorie, les aires protégées sont classées en 6 catégories plus ou moins strictes par l'UICN : il y a en où personne n’a le droit d’entrer, d’autres où on peut faire du tourisme, et une où on peut prélever « durablement » des ressources.
En pratique, c’est un peu plus compliqué. Aujourd’hui, il y a beaucoup d’endroits où il y a du braconnage, de l’orpaillage* illégal, des industries minière, agricole ou de la pêche par exemple qui exploitent les ressources. Parce qu’en fait, c’est hyper dur d’avoir des yeux partout (surtout quand il n’y a pas de moyens financiers et humains).
Ça fait dire à des observateurs (ONG par exemple) que ce serait déjà bien de vraiment protéger les espaces qui sont déjà censés l’être, plutôt que de créer de nouvelles « réserves naturelles de papier » qui n’existent que sur la carte mais ne sont pas protégées en réalité 👻
Jusqu’ici, quand des aires protégées « vraiment protégées » ont été mises en place, ça a régulièrement généré des déplacements forcés de populations qui vivaient dans ces espaces et des violences que beaucoup de groupes de défense des droits humains (comme Survival International, Amnesty International, Minority Rights Group ou encore Rainforest Foundation UK) dénoncent. En gros, des gens qui vivent sur ces territoires depuis toujours sont parfois expulsés pour créer des sanctuaires de biodiversité.
Mais en fait, cette idée de nature vierge de toute présence humaine, complètement sauvage, c’est un mythe ! Les humains vivent partout, et certaines populations ont contribué à façonner des paysages qui sont parmi les plus riches en biodiversité, notamment les peuples autochtones.
D’après plusieurs personnes interviewées pour cet article (scientifiques, membres d’ONG de la conservation), les droits humains sont de plus en plus pris en compte dans les négo (même s’il y a encore du chemin à faire). Il y a quelques garanties qui devraient être intégrées :
Mais ça laisse Survival International assez sceptique car les droits des peuples autochtones sont déjà censés être protégés par le droit international, et ça n’a pas empêché les violations de droits humains jusqu’ici, qui peuvent aller jusqu’au meurtre…
Pour Survival International, la meilleure manière de protéger la biodiversité et l’environnement c’est de reconnaître les droits territoriaux des peuples autochtones qui vivent sur ces terres depuis des générations et qui contribuent déjà à les préserver.
L’important, c’est que ces peuples soient soutenus (par des lois qui protègent leurs droits, des moyens financiers et techniques) pour faire face aux grosses industries minières ou agricoles qui ne respectent pas forcément les règles et viennent tenter d’exploiter leurs territoires (en abîmant la nature au passage).
Des solutions concrètes pourraient donc être plus utiles :
Dernière petite chose : pas mal d’expert·es sont d’accord pour dire que protéger 30% de la Terre, ça ne pourra pas suffire, ou ça ne sera pas forcément le plus efficace. Il faut aussi mettre en place des mesures pour les 70% de terres restantes !
Orpaillage : Recherche et extraction d’or.
Artificialisation des sols : Transformer un sol naturel, agricole ou forestier en construisant dessus des habitats, commerces, routes, etc. qui impermabilisent les sols.
Marine Gauthier, chercheuse-doctorante au sein de l’Institut des Hautes Études Internationales et de Développement
Helen Tugendhal, coordinatrice du programme Forest Peoples
Martin Léna, chargé de plaidoyer à Survival International
Nick Salafsky, directeur de Foundations of success
Guido Broekhoven, directeur Recherches et développement politique à WWF International
Survival International, « Les 30x30 et les Solutions fondées sur la Nature : la nouvelle règle coloniale verte »
Coalition pour la Haute Ambition pour la Nature et les Peuples
IUCN, Protected Area Categories
IUCN, Reconnaissance et signalement des autres mesures de conservation efficaces par zone
UNEP, Indigenous people, the unsung heroes of conservation
Biorxiv, Biodiversity on Indigenous lands equals that in protected areas
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