Mais avant d’aller plus loin…
Il n’existe pas une définition universelle des termes « peuples autochtones », qui désignent une grande diversité de peuples → même les institutions internationales n’ont pas de définition commune.
Mais il y a quand même quelques critères qui reviennent souvent, en particulier :
Si on t’en parle aujourd’hui, c’est parce que le rôle de ces peuples autochtones côté écologie est trop souvent négligé → Le dernier rapport de l’IPBES* (un groupe international d’expert·es sur la biodiversité) reconnaît d’ailleurs « l'importance [...] de veiller à ce que la participation des peuples autochtones et des communautés locales soit pleine et effective dans la gouvernance ».
En gros, qu’ils aient leur mot à dire sur l’administration des territoires, et dans les négos sur le climat et la biodiversité ! Mais alors pourquoi ? On t’explique 👇
Les peuples autochtones sont très divers. Mais comme l’explique Adriani Maffioletti, activiste écolo et pour les droits des peuples autochtones, elle-même d’ascendance Guarani (l'un des peuples autochtones les plus importants en nombre au sud de l’Amérique du Sud), ils partagent un point commun : « j’ai vu différentes communautés, qui vivent de manières variées, mais toutes d’une façon durable ».
« Vivre de façon durable », ça peut donc représenter plein de choses, tant que la faune, la flore, les terres, ne sont pas surexploitées. Pour Taneyulime, présidente de l’organisation AUKAE, de la nation Kalina, c’est par exemple :
→ Toutes deux considèrent que leurs peuples ne font qu’un avec la nature, et donc ne peuvent pas la posséder et l’exploiter.
Ce lien avec le monde vivant a souvent été détruit au moment de la colonisation, quand des Européen·nes se sont mis en quête de nouveaux territoires et s’y sont imposés, que ce soit en Amérique, en Afrique, en Asie…
C’est ce qu’explique Eugénie Clément-Picos, doctorante en anthropologie sociale à l’EHESS et coordinatrice du pôle Californie de l’Institut des Amériques à UCLA, à travers l’exemple de la nation Navajo en Amérique du Nord avec laquelle elle travaille :
« Ces liens d’interdépendance, qui sont appelés le K’é au sein de la nation Navajo, ont été très abîmés au moment de la colonisation, avec un génocide culturel* en quelque sorte : l’internement de force des populations, l’obligation de s’assimiler en forçant les enfants à aller dans des internats où ils et elles n’apprenaient plus leur langue maternelle… »
Les Navajo ont été éloignés de leurs racines et des pratiques qui maintenaient les équilibres dans les écosystèmes et contraints de rentrer dans le moule occidental → Aujourd’hui, beaucoup de collectifs autochtones écologistes considèrent que le système économique et politique occidental qui était alors à l’œuvre et qui est en place actuellement est en grande partie responsable du changement climatique.
« Parfois j’imagine ce qui se serait passé si en arrivant ici, les colons avaient écouté les peuples autochtones. Je pense qu’aujourd’hui, on ne vivrait pas cette crise climatique. »
Adriani Maffioletti
Malgré tout, ceux qui sont parvenus à préserver leurs traditions ont un impact bénéfique sur la faune et la flore.
Attention, comme l’explique Eugénie, « ça veut pas dire que ce sont des magicien·nes, c’est un savoir, une science, cette nature qu’on admire tant est le fruit d’une relation et d’un échange millénaire ».
D’ailleurs, des études montrent aujourd’hui que des terres gérées par des peuples autochtones sont souvent plus riches en biodiversité que des réserves naturelles où les humains ne sont pas censés mettre les pieds (ça a été démontré au Canada, au Brésil ou en Australie par exemple).
Si la nature est ainsi préservée dans ces territoires, c’est aussi parce ces peuples se battent pour protéger leurs terres contre des industries destructrices (par exemple, contre l’industrie de l’or en Guyane).
« Ces terres où vivent des peuples autochtones sont les plus riches, ce sont celles qui ont été préservées, et c’est pour ça que les sociétés privées veulent venir y puiser les dernières ressources. »
Taneyulime
Le dernier rapport de l’IPBES l’affirme : la déforestation est généralement moins importante sur les territoires autochtones, surtout lorsque les droits de ces peuples sont préservés (droits à la terre, possibilité d’entretenir un savoir, des langues, des moyens de subsistance alternatifs…).
Mais cet engagement a un coût dramatique pour les communautés autochtones : en 2020, 227 personnes ont été assassinées dans le monde parce qu’elles défendaient leur terres, dont plus d’un tiers étaient des personnes autochtones selon l’ONG Global Witness.
« On souffre des attaques des orpailleurs*, des personnes qui veulent déforester ou piller les sols, des gouvernements qui veulent nous confisquer nos terres, et tout le monde est concerné parce que si on ne peut pas protéger nos terres, on ne pourra pas préserver leur biodiversité. »
Adriani
S’il fallait une autre raison pour laisser davantage de place aux peuples autochtones côté écologie, en voilà une autre : « réunir les scientifiques et les peuples autochtones pour qu'ils apprennent les uns des autres renforcera l'utilisation durable des espèces sauvages » (c’est encore l’IPBES qui le dit).
Ce genre de collaborations existe déjà. Par exemple, à Tucson, le centre Water Resources Research Center essaie de trouver des solutions pour la gestion des ressources en eau en mêlant les savoirs traditionnels autochtones et la science 🤝
Eugénie donne aussi l’exemple des « trois sœurs ».
Y a des choses à faire au niveau national et international pour protéger les peuples autochtones et donc la nature selon Taneyulime et Adriani :
Quant à toi, Adriani te propose de les aider à amplifier leur message, par exemple sur les réseaux sociaux, dans les manifestations, ou auprès des instances gouvernementales !
IPBES : Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques → un groupe d’expert de la biodiversité, qui doivent produire des données pour prendre des décisions en connaissance de cause.
Orpailleur·euse : Personne qui extrait de l’or à travers divers procédés techniques et/ou chimiques.
Génocide culturel : Destruction intentionnelle du patrimoine culturel d’un peuple.
Interview de Taneyulime, présidente de l’organisation ou l’association AUKAE
Interview d’Adriani Maffioletti, activiste écolo et pour les droits des personnes autochtones
Interview d’Eugénie Clément-Picos, doctorante en anthropologie sociale à l’EHESS et en poste à UCLA
IPBES - Sustainable Use of Wild Species Assessment
IPBES - Global Assessment Report on Biodiversity and Ecosystem Services
UNEP - Indigenous Peoples: The unsung heroes of conservation
Global Witness - Global Witness reports 227 land and environmental activists murdered in a single year, the worst figure on record
Survival Internation - Convention 169