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Peut-on échapper au changement climatique en fuyant en Bretagne ou Normandie ?

Le changement climatique rend les températures difficilement supportables dans pas mal d’endroits, et t’as peut-être déjà entendu (ou tu t’es peut-être toi-même dit que) le top pour rester au frais, ce serait déménager en Bretagne, en Normandie ou dans le Nord (bon après si t’es Normand·e ou Breton·ne : tu t’es peut-être juste dit « parfait jsuis au bon endroit »).

QUIZ
Mais alors est-ce que la Bretagne ou la Normandie ce sera vraiment mieux ?

Certaines régions vont être plus épargnées que d’autres par le changement climatique ?

Le truc, c’est que comme l’explique Jean-Michel Soubeyroux, directeur adjoint scientifique chez Météo-France, « cette question croise 3 grandes dimensions ».

L’évolution des variables climatiques

Le climat va effectivement évoluer différemment d’une région à l’autre en France, et il y a plusieurs critères à regarder :

  • Les valeurs absolues, typiquement quelle température va-t-il faire dans le siècle à venir ?
  • La comparaison avec le climat actuel, par exemple de combien la température va augmenter par rapport aux températures actuelles.
  • La même chose, mais sur le nombre de jours de forte chaleur, la pluie, etc.

Donc en gros, « on peut faire dire ce qu’on veut aux chiffres » résume Jean-Michel Soubeyroux 🤷‍♂️

Et pour comprendre, regardons la carte de la France continentale et les projections des évolutions de températures, dans le cas où les émissions de gaz à effet de serre se stabiliseraient avant la fin du XXIe siècle à un niveau faible (pour les geek du GIEC, c’est le scénario RCP 4.5).

  • Augmentation des températures

Si on regarde de combien la température moyenne aura augmenté en 2041-2070 (par rapport à la période 1976-2005), on s’aperçoit que les régions qui vont se réchauffer le plus sont les régions montagneuses : les Alpes, le Jura, un petit peu les Pyrénées qui vont se réchauffer en moyenne de 2 à 2,5°C.

Et celles qui vont se réchauffer le moins sont la Bretagne, la Normandie et le Nord principalement, qui ne se réchaufferont que de 1 à 1,5°C.

  • Températures en valeur absolue

Mais si on regarde les températures moyennes en valeur absolue, on s’aperçoit qu’au final il fera quand même plus chaud en Bretagne, en Normandie et dans le nord que dans les montagnes, qui resteront les régions les plus fraîches.

En gros : les montagnes vont plus se réchauffer, mais pas au point de rattraper la Normandie, la Bretagne ou le Nord. Et quoi qu’il arrive… aucune de ces régions ne sera épargnée par le changement climatique. Genre aucune, sorry, c’est la dure réalité.

Et en plus de ça, il faut encore prendre en compte d’autres critères 👇

La vulnérabilité du territoire au changement climatique

Tu l’as compris, le réchauffement climatique ne va pas affecter toutes les régions de la même manière. Certains territoires sont plus vulnérables → ils ont plus de risques de subir des dommages en cas d’aléas climatiques, comme lors des inondations ou des canicules par exemple.

Si on se penche sur le cas de la Bretagne, la région doit faire face à la montée du niveau de la mer. Selon le CEREMA* certaines zones pourraient se trouver sous le niveau de la mer d’ici la fin du siècle 🌊

QUIZ
En 100 ans, le niveau de la mer a augmenté de...

Comme on l’a vu plus haut, la région va aussi être concernée par la hausse des températures : en Bretagne, les projections climatiques montrent une augmentation du nombre de jours chauds.

À partir de 2071, dans le scénario le plus optimiste (celui où on limite les émissions en dessous de 2 degrés) → la Bretagne connaîtra une hausse de 19 jours de forte chaleur par an par rapport à la période comprise entre 1976 et 2005. Dans le pire scénario (celui où on ne parvient pas à contenir nos émissions de gaz à effet de serre) → la Bretagne aura 47 journée de fortes chaleur en plus.

En centre-ville, tu peux subir le phénomène des îlots de chaleur urbain*.

QUIZ
À Rennes, la nuit en été, il fait en moyenne plus chaud de…

En Normandie, la région est assez exposée aux aléas climatiques parce qu’elle se situe en bord de Manche et qu’elle est traversée par la Seine, ce qui fait qu’elle va aussi subir la montée des eaux.

L’exposition

Tu dois aussi te demander à quel point tu seras exposé·e au réchauffement climatique dans le territoire où tu vis/tu veux vivre.

L’exposition c’est la manière dont la population peut être affectée par les conséquences du changement climatique, comme l'explique Jean-Michel Soubeyroux.

« La canicule n'a pas le même impact si vous vivez dans une villa luxueuse climatisée en bord de mer et au 8e étage d'un immeuble mal isolé de la banlieue de Rennes. »

Il y a aussi la question des fragilités individuelles → les personnes jeunes en pleine forme ne subissent pas de la même manière les fortes chaleurs que les personnes âgées souffrant de maladies respiratoires et cardiaques.

Et puis, il y a les conséquences indirectes associées au réchauffement climatique comme la dégradation de la qualité de l’air, de l’eau ou à la multiplication de vecteurs responsables de maladies, comme le chikungunya ou la dengue…

En Bretagne, le changement climatique peut aussi avoir des conséquences sanitaires directes comme lors d’une exposition à une vague de chaleur (hospitalisations, décès) → par exemple, en 2019, une surmortalité de 12,6% a été observée pendant les 2 épisodes de canicule.

Donc on est pas à l'abri des fortes chaleurs et de leurs conséquences en Bretagne et en Normandie. Alors pour déterminer si un endroit sera plus agréable à vivre avec les conséquences du changement climatique, il faut croiser les trois dimensions qu’on vient de te citer 🤓

Même s’il y a une région plus avantagée, ce serait un bon mouv’ d’y déménager ?

L’engouement pour acheter des logements dans des régions prétendûment épargnées par le changement climatique pourrait amener ou renforcer des dynamiques liées au logement : « Il y a une augmentation du foncier très compliquée dans certaines régions où les locaux ne peuvent plus se loger » précise Jean-Michel Soubeyroux.

« Attention effectivement, car le sauve-qui-peut risque de virer à l’individualisme. C’est bien de penser collectif et de s’intéresser à l’ensemble de la population. »

Certains phénomènes sont en hausse ces dernières années, et ont été renforcés avec la pandémie de Covid-19 et les craintes liées aux conséquences du changement climatique.

Les zones rurales et littorales sont plus attractives, et voient se développer des pratiques « pluri-résidentielles » avec par exemple une hausse du taux de résidences secondaires et la possibilité de télétravailler qui permet donc d’être la moitié de la semaine dans un logement et l’autre moitié dans un autre.

QUIZ
En Bretagne, en 2019, les résidences secondaires représentaient...

Les régions traditionnellement considérées comme des espaces de villégiature (en gros, là où il fait bon passer des vacances) subissent « une forte tension sur le marché du logement, accentuée par l’accroissement de la bi-résidentialité et de l’offre locative touristique, qui conduisent à un déficit de logements pour les résidents à l’année » d’après une étude de la Plateforme d’observation des projets et des stratégies urbaines.

En gros, certains ménages, généralement aisés, investissent pour pouvoir se mettre au vert en été et/ou louer à des touristes pour rentabiliser leur achat.

Résultat : en Bretagne par exemple, il y a déjà de très nombreux témoignages comme quoi il est devenu quasi impossible de se loger pour les locaux qui n’ont pas un pouvoir d’achat aussi élevé. Le Président de la région a d’ailleurs demandé à ce qu’elle soit classée en « zone tendue » pour pouvoir instaurer des mesures de régulation.

Cerema : Centre d'études et d'expertise sur les risques, la mobilité et l'aménagement.

Îlot de chaleur urbain : c’est un microclimat artificiel qui peut avoir des impacts importants sur la santé lors des vagues de chaleur et causé une surmortalité dans les villes.

Interview de Jean-Michel Soubeyroux, directeur adjoint scientifique chez Météo-France
Météo-France - Climat HD
ADEME - Indicateurs de vulnérabilité d’un territoire au changement climatique
DRIAS - Simulations climatiques pour la métropole
DRIAS - Les scénarios RCP
Observatoire de l’environnement en Bretagne - Quelles sont les vulnérabilités de la Bretagne face au changement climatique ?
Le GIEC normand - Changement climatique et aléas météorologique
Santé publique france - Bulletin de santé publique Bretagne - été 2019
Popsu territoires - Exode urbain
INSEE - Départs des Franciliens vers la province : des écarts de niveau de vie parfois importants avec leurs nouveaux voisins
INSEE - En Bretagne, la moitié des résidences secondaires sont détenues par des habitants de la région ou des Pays de la Loire
Le Monde - En Bretagne, « c’est devenu impossible de se loger, on nous pousse dehors »
20 minutes - Logement : noyée sous les résidences secondaires, la Bretagne veut passer en zone tendue »

Louisa Benchabane
En quête de solutions
Esther Meunier
À la recherche de bonnes nouvelles

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