Manger du poisson, c'est mauvais pour la planète ?

On parle souvent de l'impact de la consommation de viande sur la planète. Mais manger du poisson aussi a des conséquences écologiques !

Si ça commence à se savoir que manger de la viande n'est pas très bon pour l'environnement, l'impact du poisson fait beaucoup moins parler. Pourtant, on en mange de plus en plus : la production de poisson a été multipliée par 9 entre les années 1950 et 2018. Donc c’est un sujet sur lequel il faut se pencher. 

L'impact de la pêche sur la biodiversité

La surpêche

Un des principaux problèmes liés à la consommation de poisson est la surpêche, c'est-à-dire le fait de pêcher trop de poissons, ce qui empêche les populations de se renouveler et les conduit à diminuer.

34 % des populations de poissons sont surexploitées aujourd'hui, c’est trois fois plus que dans les années 70. Mais cette répartition n'est pas répartie de manière équivalente selon les endroits, et les populations de poissons. Par exemple, 43% des stocks de poisson sont surexploités dans l’Atlantique, contre 83% en Méditerranée, et la morue de la mer du nord est surexploitée, mais la morue de la mer de Barents ne se porte pas trop mal. 

Cette surexploitation met en danger certaines espèces trop pêchées. Par exemple, le thon rouge, l’anguille d’Europe, le saumon de l’Atlantique… Mais c’est aussi un problème pour certains mammifères ou oiseaux marins qui n’ont plus de quoi se nourrir.

À noter aussi, toutes les espèces ne sont pas étudiées. L’IFREMER (Institut Français de Recherche pour l'Exploitation de la Mer) estimait en 2020 que sur 330 espèces pêchées en France chaque année, seules 74 sont évaluées. Ça veut dire qu'on ne sait pas si les autres sont surexploitées ou pas. 

La pêche non sélective

Autre problème : parmi toutes les techniques de pêche qui existent, certaines ne sont pas ciblées : elles capturent sans discrimination, et pas seulement l’espèce recherchée ou celle qui doit être commercialisée. C'est le cas des techniques avec filets, des chaluts, des sennes…

Résultat : on pêche des poissons et autres animaux marins comme des tortues ou des dauphins, qu’on veut pas et qui sont le plus souvent relâchés morts ensuite.

Les techniques de pêches destructrices

En plus d’être non ciblées, certaines méthodes de pêche détruisent les fonds marins, et toutes les espèces qui y vivent. Par exemple les chaluts de fond, ou les dragues, qui raclent le fond des océans pour en sortir des coquillages ou pour capturer des poissons sur la surface la plus large possible.

Ces écosystèmes qui abritent des vers marins, des coraux, des éponges ("comme des forêts animales" d’après le chercheur de l’IRD Philippe Cury) sont dévastés par ces techniques pourtant encore largement utilisées.

La pollution plastique

Un autre problème est soulevé par la pêche : une quantité colossale de cordes, filets et autres casiers de capture sont perdus et abandonnés en mer. C’est un double problème : d'une part ça crée de la pêche "fantôme", des animaux piégés mais jamais vraiment pêché, et d'autres part ça génère de la pollution plastique.

L'aquaculture : pas super non plus pour l'environnement

52 % des poissons mangés sont des poissons d'élevage. C’est ce qu’on appelle l’aquaculture. Le chercheur Philippe Cury estime que lorsqu'on achète de la dorade, du saumon ou du bar par exemple, il y a de très fortes chances pour que ce soient des poissons d’élevage. Et cet l’élevage pose plusieurs problèmes.

Nourrir les poissons d’élevage… avec d’autres poissons

On pourrait penser que les poissons d’élevage  ont l'avantage de ne pas contribuer à la surpêche. Mais beaucoup de ces poissons d’élevage sont des poissons qui se nourrissent d’autres poissons (comme le saumon ou la morue, qui mangent en théorie des anchoix, sardines, et maquereaux). Et ceux-là sont bien issus de la pêche, avec tous les problèmes qu'elle pose.

L’aquaculture : d’autres impacts

Ces élevages créent aussi des problèmes de pollution, à cause notamment des médicaments qu’on leur donne pour qu’ils ne soient pas malades, mais aussi à cause de tous les déchets organiques qu’ils produisent, c'est-à-dire leurs déjections qui sont très concentrées.

En prime, beaucoup d’espace est nécessaire pour toute cette aquaculture.

Et l'empreinte carbone de la consommation de poisson ?

Il ne faut pas oublier l’atmosphère et le climat, parce que la production de poisson a bien une empreinte carbone importante. En cause :

  • Tout le carburant utilisé pour les bateaux qui vont pêcher en mer (au point qu’avec l’augmentation des prix du carburant, certains chalutiers ne sont plus rentables).
  • Tout ce qui est émis pendant le transport du poisson car c’est une marchandise qui est beaucoup exportée : parfois, une crevette pêchée en Atlantique va être envoyée en Asie pour être décortiquée puis ramenée en Europe pour être mangée. Environ 1 poisson sur 2 est exporté à un moment explique Philippe Cury.
  • Sans compter que les méthodes de pêche qui labourent le fond des océans libèrent en même temps du carbone qui était stocké dans le sol.

Les estimations sont compliquées à faire, mais il semblerait que la production de poisson soit un très gros émetteur, potentiellement autant que l’aviation.

Limiter l'impact environnemental du poisson : y a des solutions ?

Plusieurs choses qui pourraient être mises en place à grande échelle :

  • Cesser de subventionner des géants de la pêche qui utilisent des techniques nocives pour la biodiversité comme pour le climat (tout ce qui est chalut etc.)
  • Privilégier les techniques de pêche durable comme la pêche à la ligne, aux casiers, ou la pêche à la main, ce qui permettra aussi de soutenir les petits pêcheurs et la pêche artisanale et moins les grosses industries destructrices
  • Installer des caméras pour surveiller que les réglementations sont respectées sur les bateaux de pêche
  • Développer le matériel de pêche biodégradable
  • Rendre les zones protégées vraiment protégées des techniques de pêche destructrices (parfois, la chalutage est encore autorisé dans certains types de zones protégées)

Et au niveau individuel, il est possible de :

  • Réduire sa consommation de poisson (aujourd’hui dans le monde, on consomme en moyenne 20kg de poisson par personne et par an, et en France c'est entre 30 et 50 alors qu'il faudrait descendre à 8)
  • Respecter les saisons des poissons, parce que oui, il y en a
  • Favoriser la pêche locale, donc en Europe l’Atlantique plutôt que le Pacifique par exemple
  • Privilégier les petits poissons : beaucoup de poissons très consommés sont en fait des poissons prédateurs. Et ce n’est pas très efficace d’un point de vue énergie. Ce sont des poissons qui ont eux-mêmes mangé des plus petits poissons… alors que ces petits poissons pourraient être consommés directement