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Les supermarchés sont-ils écolo ?

SONDAGE
T’achètes ta bouffe au supermarché ?

Les supermarchés au début (le premier supermarché français date de 1958), c’était le feu ✌️ Les gens pouvaient enfin se servir directement en rayons, tout était regroupé au même endroit, les prix étaient plus bas, bref c’était super pratique.

QUIZ
La France est le pays du monde avec le plus grand nombre d’hypermarchés par habitant.

Ça l’est toujours, mais maintenant on (enfin, nous) se pose la question de leur impact sur l’environnement. Alors, faire ses courses en grande distribution, c’est écolo ou pas ?

Supermarchés : de quoi on parle ? (déjà)

La différence entre un supermarché, une supérette ou un hypermarché ? La taille : les supermarchés font entre 400 et 2500 m2 alors que les hypermarchés ont une surface supérieure à 2500 m2.

Au total, en France en 2009, les grandes surfaces (hypermarchés + supermarchés) s’étalaient déjà sur plus de 53 km2. Soit l’équivalent en surface de toute la ville de Bordeaux 😳

Quel impact écologique des grandes surfaces ?

Leur impact « en dur »

On vient de le voir, les supermarchés et hypermarchés s’étendent sur une certaine surface et sont le plus souvent dotés de parkings pour accueillir leurs client·es → ça soulève un problème d’artificialisation des sols (= on les bétonne, du coup ciao la biodiversité et bonjour la galère quand il pleut pour que l’eau s’infiltre dans le sol).

Le modèle des grandes surfaces, surtout les hypermarchés, est lié à l’utilisation de la voiture individuelle, qui reste un mode de déplacement polluant.

« Ce côté “tout sous le même toit et je viens en voiture” pose aussi un problème d’urbanisme : on a vidé les centre-villes de lieux de vie [pour construire ces infrastructures] » ajoute Catherine Gomy, ingénieure agronome AgroParisTech et docteure de l’Ecole Centrale Paris.

Leur impact sur notre consommation

Dans son dernier rapport sur l’impact écologique des supermarchés, le Réseau Action Climat pointe leur « pouvoir d’influence » sur l’agroalimentaire : elles sont « en position de force vis-à-vis des industriels de l’agro- alimentaire et disposent ainsi d’un pouvoir d’influence considérable sur les pratiques de leurs fournisseurs — marques nationales incluses ».

Mais leur pouvoir d’influence touche aussi les consommateur·ices : toujours selon ce rapport, la nourriture que les Français·es achètent en grande distribution représenterait 15% de leurs émissions de gaz à effet de serre.

Cette part pourrait baisser si les supermarchés proposaient plus de produits éco-responsables (des plats préparés végétariens, du bio, du local, des alternatives végé/vegan aux produits carnés…) ou limitaient les produits avec un impact négatif sur l’environnement. Comme par exemple les produits qui participent à la déforestation importée (= des produits dont les conditions de culture/fabrication participent à la destruction des forêts hors du territoire national, genre tu manges du poulet qui a été nourri avec du soja cultivé sur des terres déforestées au Brésil).

Techniquement, ils en ont le pouvoir : les distributeurs négocient tous les ans avec les producteurs pour voir quels produits ils vont proposer dans leurs magasins. Ils peuvent aussi favoriser ou décourager la consommation de tel ou tel produit via les marges* qu’ils appliquent dessus, explique Sandrine Heitz-spahn, docteure en sciences de gestion de l'Université de Bourgogne et enseignante-chercheuse en marketing à l’Université de Lorraine.

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Leurs marges sur les fruits et légumes bio sont par exemple…

Mais sur le terrain c’est plus compliqué que ça, comme le précise Sandrine Heitz-Spahn :

  • Ça dépend du rapport de force entre le distributeur et le producteur pendant la négociation.
  • L’objectif historique des grandes surfaces est de fournir aux consommateur·ices ce dont ils et elles ont besoin → « Avant tout la grande distribution veut avoir le panel de produits le plus large, ils vont prendre les tendances en marche, mais ne vont pas les créer, explique-t-elle. Si des rayons bio/vrac arrivent dans un magasin c’est uniquement parce que le distributeur a évalué le potentiel de la zone où il est implanté, en fonction de la population qui va faire ses courses chez lui, pour savoir si ça valait le coup ou pas. »

Plus globalement, enchaîne Catherine Gomy, le modèle des grandes surfaces est basé sur l'hyper-sollicitation et le fait de vendre toujours plus. « C’est un modèle de masse, qui a permis d’avoir des prix accessibles, mais aujourd’hui on est arrivés à la limite : on épuise les ressources et on crée des inégalités. »

Pour encourager la consommation, les supermarchés misent sur plusieurs outils marketing, comme la publicité ou les promotions (qui se souvient du pot de Nutella d’Intermarché à 1,41€ qui avait limite créé des émeutes).

Les marques distributeurs : pas un modèle de durabilité

Selon le rapport de Réseau Action Climat, environ la moitié des produits vendus en grande distribution sont de marque distributeur → une marque dont le distributeur est propriétaire et définit le cahier des charges*. Par exemple, Marque Repère est une marque possédée par le groupe Leclerc.

Une étude menée par l’application ScanUp sur des produits appartenant 8 marques distributeurs montre qu’en moyenne la moitié d’entre eux ont un mauvais Éco-score → une échelle de classement qui permet de noter l’impact environnemental d’un produit sur une échelle de A (meilleur score) à E (pire score). Les marques distributeurs les plus mal notées appartiennent à Lidl et Aldi.

Des solutions pour diminuer l’impact des supermarchés ?

Les choses qui existent ou se mettent en place

Plusieurs lois doivent déjà obliger les supermarchés à « mieux » faire (car oui, l’État peut bien mettre son nez là dedans 🧐).

Par exemple :

  • Limitation de la taille de parkings à 75% de la surface de vente contre 150% avant
  • Végétalisation des toitures
  • Installation de panneaux solaires sur les toits et les parkings
  • Limitation des emballages
  • Obligation de proposer du vrac (toutes les surfaces de vente de détail de plus de 400m2 devront dédier au minimum 20% de leur surface de vente au vrac à partir de 2030)

Les choses à développer

Ensuite, il y a plusieurs leviers d’action qu’il faudrait actionner un peu plus si on veut vraiment pouvoir faire nos courses de façon plus écolo.

  • Au niveau du supermarché

L’État pourrait ici aussi avoir un rôle à jouer en décidant que les promotions sur certains types d’articles sont interdites (ciao les grosses campagnes pour manger de la viande pas cher par exemple), ou bien de taxer davantage certains produits et de moins en taxer d’autres comme le propose un rapport de Terra Nova.

On l’a vu aussi : les supermarchés maîtrisent quand même à peu près ce qu’ils mettent dans leurs rayons, même s’ils ont vocation à répondre à la demande. Ils peuvent choisir de proposer des produits plus responsables, ou d’axer leurs promotions sur les produits bio ou végétaux par exemple 🥕

Et puis tant qu’on y est, « les supermarchés pourraient aussi faire de la sensibilisation » selon Catherine Gomy, en indiquant par exemple l’impact environnemental des produits ou au contraire leurs bénéfices. Dans son rapport le Réseau Action Climat explique qu’« aucune enseigne ne met en avant les légumes secs bruts ou tout simplement cuits et conditionnés en boîte ou en bocal, qui ont pourtant l’avantage d’être à la fois sains et bon marché » et qui présentent des avantages écolo non négligeables !

  • Le lien avec les fabriquant·es et producteur·ices

« Le distributeur est le dernier maillon de la chaîne, rappelle Sandrine Heitz-spahn, donc ceux et celles qui ont une grosse partie du job à faire c’est les fabriquant·es pour proposer des produits plus respectueux de l’environnement. » Mais les supermarchés ont bien une marge de négociation avec beaucoup de ces fournisseurs !

Dans le cas des relations directes avec les agriculteur·ices, pas mal d’enseignes mettent déjà en avant des contrats de soutien notamment pour leur assurer un niveau de rémunération décent.

Le Réseau Action Climat explique qu’une partie de ces contrats peuvent les aider à transitionner vers une agriculture plus durable voire bio (parce que oui, se convertir au bio, ça nécessite de l’argent et ça se fait pas en claquant des doigts 💰) → mais on ne sait pas quelle proportion de ces contrats ça concerne exactement, alors que finalement, est-ce que ça ne pourrait pas devenir la norme ?

Par ailleurs, sur la question de la déforestation importée dont on parlait plus tôt, les grandes enseignes ont pris des engagements depuis 2020 pour exclure de leurs chaînes d’approvisionnement le soja associé à la déforestation par exemple.

Un gros pas en avant, mais pour que ces engagements soient vraiment respectés et significatifs, il faudrait qu’ils s’appliquent aussi auprès de leurs fournisseurs niveau marques nationales (Charal, Le Gaulois) et pas seulement sur leurs marques distributeurs (comme Marque repère pour Leclerc ou Top Budget pour Intermarché).

  • Et si on changeait de modèle ?

Il y a aussi la possibilité de favoriser les magasins indépendants, qui mettent en avant des produits plus respectueux de l’environnement et locaux.

Mais malheureusement « ça paraît compliqué, car quand on est commerçant indépendant soit on n’a pas beaucoup de pouvoir face aux fournisseurs et donc on peut moins négocier les prix, soit on se fournit exclusivement chez des producteurs locaux mais pareil, c’est plus cher, donc c’est pas une méthode qui serait accessible à tout le monde » selon Sandrine Heitz-spahn.

Face à ça, certaines associations et même certains partis politiques proposent de créer une « sécurité sociale de l’alimentation » : en gros, tout le monde recevrait par exemple 150€ crédité sur sa carte vitale pour acheter des aliments de qualité (définie par des institutions locales, mais dans l’idée qui respecteraient quelques recommandations de base du Conseil National de l’Alimentation : moins de viande, et plus de fruits, légumes et légumineuses).

Ça fonctionnerait un peu comme la sécu et ça permettrait de favoriser la production et la consommation de nourriture bonne pour la santé et la planète ! Et ça, que ce soit dans les supermarchés ou dans des magasins indépendants 👀

Marge : Différence entre le coût de fabrication d’un produit et son prix de vente (le bénéfice que va se faire le vendeur sur le produit en gros).

Cahier des charges : Contrat qui indique tous les détails autour de la production d’un produit (dans quelles conditions il va être fabriqué, etc).

Interview de Sandrine Heitz-spahn, docteure en sciences de gestion de l'Université de Bourgogne et enseignante-chercheuse en marketing à l’Université de Lorraine
Interview de Catherine Gomy, ingénieure agronome AgroParisTech et docteure de l’Ecole Centrale Paris
Pour un réveil écologique - Grande distribution alimentaire : des leaders hyper écologiques ou hypers irresponsables ?
Réseau Action Climat - L’heure des comptes pour les supermachés
Ministère de la transition écologique - Loi climat et résilience : l’écologie dans nos vies
Ministère de l’Économie - La vente en vrac a besoin d’un peu d’ordre
LICEE - Loi climat et résilience : toitures végétalisées obligatoires dès 2023
Canopée - Grande distribution et déforestation liée au soja : notre classement
Terra Nova - Le bio en baisse : simple ralentissement ou véritable décrochage ?
Les greniers de l’Abondance - Rapport “Qui veille au grain ? Du consensus scientifique à l’action publique”
LSA - 1958 : le premier supermarché français
Fédération du Commerce et de la Distribution - Évolutions du commerce et de la distribution : faits et chiffres 2019
ADEME - Bonnes pratiques et innovations environnementales dans le secteur de la distribution alimentaire
Insee - Grandes surfaces et réseaux d’enseignes dominent le commerce de détail
UFC-Que choisir - Sur-marges sur les fruits et légumes bio La grande distribution matraque toujours les consommateurs !
France Info - Bio : moins cher en magasin spécialisé qu'en grande distribution
ScanUp - Quels sont les distributeurs les plus éco-responsables ?

Esther Meunier
À la recherche de bonnes nouvelles
Pauline Vallée
Voisine de Totoro

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