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« Je suis triste de savoir que ce que j’ai connu est en train de disparaître. »
🤝 En partenariat avec On est prêt
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Aujourd’hui : la parole à Suzette Panisset, née il y a 84 ans à Chaumont, dans le Jura, où elle vit toujours. Elle a eu le temps de voir la montagne évoluer autour d’elle, comme sa fille Florence et son beau-fils Laurent, ainsi que son petit-fils Nathan : tous·tes ont passé leur vie dans les environs de Saint-Claude. Ils et elles nous ont raconté comment ils voyaient et vivaient ces changements : on t’a reconstitué leurs témoignages dans cette discussion !
Et si tu veux te mettre dans l’ambiance, n’hésite pas à glisser ça dans tes oreilles 🎶
Suzette 👵 : Moi quand j’étais gosse, c’était une ambiance de village, on vivait avec la nature, avec les problèmes de la neige l’hiver parce que c’était pas déneigé comme maintenant. Quand on se déplaçait il fallait la brasser la neige. À 15 ans je faisais tout à pied quand j’ai commencé à travailler et l’hiver c’était un peu plus difficile quand même, même si la quantité de neige variait selon les années. Mais il y en avait quand même un peu plus que maintenant.
Laurent 👨 : Oui quand même je dirais qu’on voit bien que depuis les années 90 c’est plus aléatoire.
Nathan 👦 : Moi quand j’étais petit, jusque vers mes 10 ans, à 700m d’altitude chez nous on avait plus de neige que depuis 5 ou 6 ans là où je vis aujourd’hui, à 1100 mètres.
Florence 👩 : C’est sûr qu’il y a des années exceptionnelles dans un sens ou dans l’autre, mais si on devait faire une moyenne globale, ce qui représenterait plus la réalité, on a de moins en moins de neige.
Nathan 👦 : L’évolution elle est énorme. Elle se voit l’hiver où il fait trop doux pour que la neige tombe et tienne. Mais cet écart de températures, il existe aussi l’été.
Suzette 👵 : Oui maintenant question chaleur je trouve que la température il me semble est un peu plus élevée pendant les étés que dans le temps. Mais c’est pareil, quand vous avez pas le thermomètre, parce que j’en avais pas quand j’avais 15 ans, c’est difficile de mesurer la différence.
Laurent 👨 : Il y avait des étés où il faisait chaud, mais ça dépassait rarement les 30°C alors que cette année c’est monté à 37°C 38°C.
Florence 👩 : Et on le voit aussi dans la forêt, sur la montagne, quand il fait chaud comme ça. C’est la première année qu’on a eu des feux dans le Jura par exemple, on n’avait jamais eu ça avant, et ça ça fait peur.
Nathan 👦 : On vit dans l’un des endroits les plus froid et humides de France, et maintenant on a des feux de forêt, c’est choquant.
Florence 👩 : C’est pas une prise de conscience qu’on a eu cette année, parce qu’on nous dit depuis 20 ans que dans le Jura on sera comme l’Ardèche plus tard. Mais c’est plutôt « ça y est, on y est ».
Suzette 👵 : C’est vrai, même si dans le temps ça arrivait aussi les sécheresses, on le ressentait même plus vite dans notre quotidien parce qu’on avait qu’une source qui alimentait le village. Elle était souvent tarie l’été, surtout une fois que les besoins se sont multipliés avec l’arrivée des salles de bain, douches, WC qui demandaient de l’eau. Donc la municipalité dans les années 60 a fait toutes les démarches pour faire venir l’eau du lac des Rousses.
Florence 👩 : Oui aujourd’hui on n’a pas été coupés en approvisionnement d’eau, mais on voit les pans de forêt qui sont secs.
Laurent 👨 : Si on regarde de loin, comme ça, on voit pas énormément de choses qui ont changé, mais si on pratique un peu la forêt et qu’on va se promener on voit quand même des changements. Des résineux qui sont secs, des arbres qui sont plus fragiles…
Florence 👩 : Il y a des parasites comme le bostryche et le scolyte, les chenilles processionnaires qui commencent à attaquer les forêts de pin. On a aussi eu la pyrale du buis pendant 2 ans…
Nathan 👦 : Ça merci le commerce international, c’est un papillon nocturne qui vient de Chine dont les chenilles dévorent les arbustes. Niveau biodiversité t’en penses quoi Mamie ?
Suzette 👵 : C’est vrai que vous êtes beaucoup dans la nature, moi un peu moins j’ai l’impression…
Nathan 👦 : Tu dis ça mais c’est pas vraiment vrai quand même haha !
Suzette 👵 : C’est au contact de mes parents que je voyais tout ça. Les plantes j’ai beaucoup appris grâce à ma mère, et mon père et mon oncle étaient chasseurs, donc je les ai toujours vus rentrer avec un lièvre ou des oiseaux, c’est des animaux qu’on voyait si on allait un peu en dehors du village, des lièvres, des chevreuils…
Nathan 👦 : Par exemple quand on était petits et qu’on allait chez toi, dans ton village, il y a une petite route qui monte vers Lamoura et on y voyait très souvent des troupeaux de chamois à la lisière de la forêt. Est-ce que ça vient des activités humaines, des habitations, du fait qu’à cette altitude il fait plus chaud maintenant, est-ce qu’il trouvent plus de nourriture, est-ce que c’est le débardage des forêts… Je sais pas mais en tous cas on les voit plus !
Suzette 👵 : On vivait plus avec la nature, avant, c’est sûr. Mes parents étaient dépendants de leur jardin par exemple, alors que moi aujourd’hui je m’occupe du mien plus par plaisir. Mais je trouve qu’on commence à revenir à une vie plus naturelle, d’ailleurs il y a des jeunes qui reviennent s’installer dans le Jura, mais ça prendra du temps !
Nathan 👦 : Et pour parler un peu bonne nouvelle, on a le retour du loup aussi, de mon point de vue c’est une bonne chose même si je risque de me faire des ennemis haha, si le loup il vient ça veut dire qu’il y a de la biodiversité, qu’il y a à manger. C’est aussi un retour juste et normal que la nature soit présente dans un territoire comme le Jura. Mais bon c’est un point positif, pour le reste moi j’suis plutôt pessimiste sur l’avenir de l’évolution du climat en montagne, de mon milieu en tous cas.
Florence 👩 : Moi je me dis qu’on va s’adapter et que mes petits-enfants vont s’adapter…
Laurent 👨 : Pas sûr !
Florence 👩 : …Mais je pense que ce sera différent et qu’on a bien vécu nous, mais que ça va être difficile à l’avenir.
Nathan 👦 : Hier je regardait le soleil descendre mes skis de fond au pied, sur la neige, et je me suis dit ça c’est quelque chose dont il faut que je profite parce que potentiellement dans 10 ans ça sera plus là. Je suis triste de savoir que ce que j’ai connu est en train de disparaître et que mon neveu, ma nièce, ne connaîtront pas la même chose. Quand je suis dans cet état là, j’en veux tellement aux costards-cravate qui en ont rien à foutre et qui le font pour la thune. Ces gens-là ils se rendent pas compte du mal qu’ils font au plus grand nombre.
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