Au fait : pourquoi l'avion est polluant ?

D'où vient la pollution du secteur aérien ?

Les vols en avion ont représenté 2,4% des émissions de CO2 planétaire en 2019 (ce chiffre se base sur les émissions de carburant uniquement) ✈️

Tu te dis peut-être que c’est pas si énorme, mais ce chiffre gonfle si on ajoute le pétrole nécessaire à l'extraction, au transport et à la fabrication de ce kérosène. Avec tout ça, on atteint 2,9% des émissions globales de CO2 (qui est un gaz à effet de serre).

Tu te dis sûrement que c’est toujours pas si énorme que ça. Mais ça ne s’arrête pas là ! Il y a aussi les effets indirects de la combustion du kérosène pendant les vols 👉 l’effet des traînées de condensation par exemple.

Pas de panique, explications : tu vois les grosses traces blanches que laissent les avions dans le ciel ? C’est ça ! On te passe les détails techniques mais ces trainées se forment à cause de l’émission de particules fines émises en vol et de la vapeur d'eau… et participent au forçage radiatif. En gros, ça veut dire que ces nuages, quand ils persistent, empêchent certains rayons de soleil de repartir dans l’espace, du coup ils restent sur terre et la température augmente 🤒

Difficile d’estimer la contribution au réchauffement climatique de ces nuages artificiels, mais une étude qui inclut ce phénomène, estime que le secteur aérien est en fait responsable de 6% des émissions de CO2 (on double, quoi). Pour te donner une idée, c’est plus que le secteur du numérique qui représente lui 5% des émissions mondiales 👀

Les plus riches sont les plus responsables de ces émissions

Ces émissions sont très inégalement réparties, parce que prendre l’avion, c’est un privilège réservé à une minorité (les humains qui ont assez d’argent, donc).

Les émissions du transport aérien en croissance

L’autre gros problème, c’est que ces émissions de CO2 n’arrêtent pas d’augmenter chaque année. Le Shift project rapporte dans son rapport Pouvoir voler en 2050 qu’elles ont augmenté de 42% entre 2005 et 2019 surtout à cause de la croissance du trafic aérien !

Pourtant depuis les années 70, il y a eu des grandes avancées technos qui ont permis de réduire la conso des avions. « Un avion d'aujourd'hui consomme 45% de carburant en moins », précise Isabelle Laplace, co-responsable du Pôle Prospective Durabilité à l’ENAC (Ecole nationale de l'aviation Civil). Les compagnies utilisent aussi des avions plus gros et plus remplis. Tout ça, ça a permis un gain d'efficacité : un avion rejette 80% de moins de CO2 que dans les années 70.

Par contre, il y a plus de voyageur·euses → les gains technos ont permis de réduire les prix des billets, du coup plus de personnes y ont eu accès et le nombre de vols s’est considérablement multiplié. C’est l’effet rebond : on fait des gains d’efficacité énergétique, mais ils sont compensés par de nouveaux utilisateur·ices de l'avion 🙄

Ça devient de plus en plus problématique parce que pour respecter l’Accord de Paris, les émissions doivent diminuer de 5% par an !

On en est loin, vu que le trafic continue d’augmenter. Par exemple, Airbus prévoit un besoin de 40 850 avions neufs d’ici à 2042 pour répondre à une hausse moyenne du trafic de 3,6% par an ! Plus de 45 000 appareils sillonneront alors le ciel, 2 fois plus qu’en 2020 🤯

Réduire l'impact carbone de l'aviation : y a des solutions ?

Créer un avion à hydrogène* ?

On en parle très souvent, c’est LA solution privilégiée par les constructeurs d’avions pour décarboner les flottes. Par exemple, Airbus s’est engagée à fournir le prototype d’un avion à hydrogène pour 2035.

Sauf qu’il faudra attendre encore un moment avant de pouvoir voyager dedans. « Une fois l'expérimentation faite, l'avion devra obtenir une certification pour pouvoir voler, on devra ensuite lancer une chaîne de production pour les fabriquer, former des pilotes pour les conduire et peut-être adapter les aéroports. Ensuite, les compagnies vont renouveler au fur et à mesure leurs flottes pour incorporer des avions à hydrogène » énumère Isabelle Laplace. Avec tout ça à faire, il ne sera pas utilisé avant 2050 au moins.

« C’est une solution pour la deuxième partie du siècle » estime Grégoire Carpentier, chef de projet du rapport « L’avion en 2050 » du Shift project.

Selon le chercheur, le risque de fonder tous ses espoirs sur cette technologie est trop important, parce qu’il y a plusieurs bémols :

• Beaucoup d’autres secteurs ont besoin d’énergie décarbonée en grande quantité, donc il faut savoir quelle part de l’hydrogène sera réservée à l’aviation et si elle suffira.
• La production est très énergivore : Les industriels doivent utiliser une technique qui s’appelle l’électrolyse* et ça demande beaucoup d'électricité. Il faut s’assurer qu’ils utilisent de l'électricité décarbonée, sinon les émissions de CO2 risquent d'être très importantes, et c’est justement ce que le secteur aérien cherche à éviter 😬
• Il faut produire des avions adaptés : Ceux qui existent aujourd’hui ne permettent pas de transporter l’hydrogène. Le kérosène est stocké dans les ailes, sauf que l’hydrogène transporté est trop imposant pour les mettre là, alors il faut concevoir des avions spéciaux.

Tu t’en doutes, il faut donc autre chose pour répondre à l'urgence climatique de réduire émissions avant 2050.

Développer des biocarburants

• Ceux de 1ère génération, sont essentiellement produits à partir de graines de plantes (colza ou le tournesol) ou à base de céréales (blé ou du maïs).
• Il y a aussi des carburants d'aviation durable (les SAF) qui sont produits aujourd'hui à partir d'huiles usagées et demain à partir de résidus agricoles ou forestiers.

« Le gros atout des biocarburants, c’est qu’ils peuvent être utilisés dans les avions déjà existants. Aujourd’hui, on peut le mélanger au kérosène et en mettre jusqu’à 50% lors des pleins » précise Isabelle Laplace. Des avions sont même en cours de développement pour fonctionner totalement à base de biocarburant 🧑‍🔬

Le problème du biocarburant (évidemment), c’est que la production de la 1ère génération dépend des quantités de terres disponibles pour faire pousser la biomasse. « Les terrains ne sont pas infinis et il faut arbitrer avec les besoins en terre pour l’alimentation. On ne sait pas si on aura la place nécessaire pour répondre à la demande » explique Grégoire Carpentier.

Pour les SAF, la contrainte n'est plus la concurrence avec l’alimentation mais le volume nécessaire.

Limiter le nombre de voyages

T’as compris, y a pas de solutions miracle qui permettrait de prendre l’avion pour Athene la conscience tranquille dans pas longtemps 😢 Pour le Shift project, même si on pousse tous les curseurs technologiques à fond, il faut dans tous les cas modérer le trafic.

L’ingénieur et fondateur du Shift Project, Jean-Marc Jancovici, propose notamment d’instaurer des mesures pour plus de justice sociale*. « Pour respecter l’objectif de baisse des émissions, chaque personne sur Terre devrait se limiter à 4 vols au cours de sa vie. »

Imposer un budget carbone

En gros ça serait comme un portefeuille qui contiendrait la quantité totale de carbone que le secteur aérien pourrait émettre d’ici 2050, pour rester dans l’objectif de contenir le réchauffement climatique à 2°C d’ici à 2100. Ça veut dire que l’aviation ne pourra pas émettre plus que ce budget décidé à l’avance. « Le comportement va changer immédiatement, puisqu'il y aura un effort réalisé pour respecter le stock de carbone disponible » assure Grégoire Carpentier.