Et si la pop-culture changeait sa vision de la crise environnementale ?

Futurs sombres et apocalyptiques, ou futurs désirables ? La pop culture pourrait plus facilement nous pousser à agir face à l'urgence écologique si elle n'était pas si déprimante à chaque fois qu'elle aborde le sujet.

Dans la pop culture, l’urgence écolo est représenté plutôt de façon négative. Débordement de déchets dans Wall-E ou le jeu Stray, air pollué au point de devenir toxique dans Soleil Vert ou Nausicaa… Les œuvres qui parlent de la crise écologique dépeignent souvent un futur apocalyptique, où les humains ont disparu ou sont sur le point de disparaître. 

Ça a été confirmé dans une étude menée par l’ADEME en 2021 : les 40 participant·es confronté·es à plusieurs œuvres environnementales (la mini-série L’Effondrement, un épisode spécial de Plus Belle la Vie…) les associaient très majoritairement à des émotions négatives.

Dans la même veine, Denise Baden, professeure en économie durable à l’Université de Southampton, écrit dans sa tribune "L'ingrédient manquant pour combattre le changement climatique : des roles model fictifs positifs" publiée début 2022 que "les personnages écolo [dans les oeuvres de pop-culture] ont tendance à être décrits comme irritants, excentriques ou étranges".

En résumé, la manière dont l’urgence environnementale est présentée dans la pop-culture ne donne pas envie. Ça peut même créer de l'éco-anxiété, car à force d’être exposé à représentations négatives, on finit par avoir l’impression que c’est forcément ça qui nous attend, et on n’arrive plus à concevoir le futur comme quelque chose de positif.

Pourquoi imaginer des futurs plus positifs

Ces représentations négatives, il faudrait les "contrebalancer avec des alternatives qui montrent un futur possible et désirable", appuie Magali Payen, productrice, fondatrice de On est prêt et de Imagine 2050.

Pourquoi ? Pour donner un peu d'espoir(qui est, au même titre que la peur ou la colère, un super moteur d’action) et aussi inspirer des changements de comportement.

Pas besoin que ce soit très compliqué. Denise Baden prend l’exemple d’Emily in Paris dans son article : l’héroïne pourrait s'habiller avec des vêtements de seconde main et offrir son talent marketing à des entreprises de la transition écologique. Tout ça en continuant de vivre des histoires d’amour compliquées et de parler un très mauvais français.

"Je crois au pouvoir de l’influence des récits quand c’est subtil, pas moralisateur", appuie Côme Girschig, conférencier engagé sur les sujets écologiques et les imaginaires. Il cite en exemple le cas de la série danoise Borgen. "Raconter une belle histoire d’amour ou un thriller dans un monde qui a fait la transition écologique, c’est 1000 fois plus doux et engageant que n’importe quel message type militant."

Comment imaginer des récits écolo plus optimistes ?

Faire émerger ces récits, c’est important aussi pour que les gens passent à l’action. Dans l’étude de l’ADEME, 65% des répondant et répondantes affirment que la fiction sensibilise et incite à se mobiliser. Et un certain nombre d’initiatives existent déjà en la matière.

Sensibiliser les scénaristes et créateurs de contenus

Côme Girschig a co-créé une conférence avec la journaliste Paloma Moritz, destinée aux scénaristes, mais aussi aux journalistes, aux étudiants en sciences politiques, à celles et ceux qui influencent la production culturelle en général. Le but : permettre de créer de nouvelles histoires. Il explique qu' "aujourd'huil es sphères média, politique, culturelle sont très axées sur le technosolutionisme, l'idée que la technologie va nous sauver, parce que c’est excitant la conquête spatiale par exemple, mais on essaie de montrer qu’il y a trop d’hypothèses qui risquent de ne pas se produire dans cet imaginaire-là". 

Ça leur permet de présenter ce que pourrait être un futur écolo "sobre", donc plutôt où l’humanité consomme moins et mieux. À partir de là, la conférence proposent d’agir sur :

  • Les intrigues : créer une histoire qui mette cet imaginaire au cœur de l’œuvre (par exemple un James Bond "sobre", ça donnerait quoi ?).
  • Le décor "peut-être qu’on n’est pas obligés de montrer des villes comme Manhattan pour suggérer des lieux de pouvoir", comme l'explique Côme Girschig.
  • Le comportement des personnages : des films où de bonnes habitudes ont été adoptées par les personnages, comme se déplacer à vélo ou manger végétarien.

Co-écrire des récits avec des expert·es écolo

Suite à cette conférence, des scénaristes ou réalisateur et réalisatrices ont dit souhaiter créer leurs histoires différemment. Par exemple en mettant des experts de l'écologie autour de la table dès la scénarisation : une sorte de consulting, qui est une démarche assez nouvelle.

Des sociétés de production spécialisées

Ce sont les sociétés de production qui décident en partie de quels films ou quelles séries vont voir le jour. Voilà pourquoi Magali Payen, accompagnée du réalisateur Cyril Dion et de l’actrice Marion Cotillard, a lancé Newtopia en mai dernier.

"Le but est de proposer de nouveaux imaginaires, avec deux axes : d’un côté un incubateur de talents avec des résidences, l’accompagnement d’auteur·ices ; et de l’autre une société de production qui développe des œuvres inspirées de ces nouveaux imaginaires, de la comédie pour ado au polar."

D’autres outils pour développer la créativité

Comme des concours d'écriture à l'image de Green Stories, ou des ateliers d'écriturecomme ceux de l'écrivaine ceux de l’écrivaine Ketty Steward qui proposent par exemple aux participant·es d’imaginer l’histoire d’humains du XXVe siècle qui redécouvrent des traces des humains du XXIe siècle…

Magali Payen a aussi créé un atelier de design fiction (une méthode pour explorer le futur) avec l’Institut des futurs souhaitables : "on invite à se projeter dans un futur positif, où on se remémore les 10 dernières années et le rôle qu’on a eu dans la transition vers ce monde écolo, c’est un jeu de rôle".

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