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Et si on créait un droit à profiter de la nature ?

SONDAGE
Tu serais pour ?

Droit d’accès à la nature : de quoi on parle ?

Pas d’un truc imaginaire, mais d’un droit qui existe déjà dans plusieurs pays (oui oui), notamment en Scandinavie.

En quoi consiste-t-il exactement ? Le droit d’accès à la nature (qui prend plusieurs noms en fonction des pays) garantit le fait que chacun·e a le droit de profiter gratuitement des espaces naturels (peu importe qu’ils soient publics ou privés) pour se promener, cueillir des champignons et des baies, faire du sport, nager, poser sa tente pour la nuit…

En gros : même si un espace naturel (forêt, plage…) est un terrain privé, tout le monde peut le parcourir et pas seulement son propriétaire. Il devient un bien commun.

QUIZ
En Suède, ce principe est même…

Comment s’exerce ce droit ?

« Attention, le fait que ces espaces soient partagés n’en font pas des zones de non-droit pour autant » rappelle Émilie Gaillard, maîtresse de conférences en droit privé et spécialiste du droit de l’environnement. « Il y a des règles de civilité à respecter. »

Par exemple, en Suède toujours, tu ne peux exercer ton droit d’accès à la nature qu’à condition de respecter la vie privée du propriétaire éventuel·le des lieux (t’es pas là pour l’espionner pendant qu’il ou elle bronze dans son jardin quoi) et de ne pas dégrader l’environnement (pas jeter ses déchets par terre, pas couper d’arbres…). On retrouve cette notion de respect dans la plupart des autres pays 🙏

Certaines zones ne sont aussi pas incluses dans ce droit, comme les parcs nationaux, les terrains industriels et les champs.

À l’inverse, un·e proprio peut être tenu·e responsable s’il ou elle cherche à empêcher les personnes d’accéder à son terrain et que quelqu’un se blesse en essayant de franchir ces obstacles. Bref c’est donnant-donnant : tu respectes les lieux → tu as le droit de t’y promener.

Garantir le libre accès à la nature : une bonne idée ?

Un avantage pour la santé

Pendant la crise du Covid-19, le confinement a remis sur la table la question de l’importance d’accéder à la nature pour notre santé physique et mentale. Des études ont prouvé que le contact avec la nature améliore globalement ces deux points : moins de stress, meilleur sommeil, moins de maladies cardio-vasculaires, meilleure récupération après une opération…

Ça paraît être une bonne idée de garantir ce droit d’accès, surtout pour que les gens qui n’ont pas de jardin ou un parc près de chez eux puissent quand même profiter de tous ces bienfaits.

Donner envie de protéger la nature

Comment avoir envie de protéger la nature si on est pas à son contact ? Autoriser tout le monde à y accéder librement, c’est permettre de mieux la connaître, de l’aimer, et donc d’avoir plus envie de la protéger ❤️

Des espaces condamnés à être abîmés ?

Les moins convaincu·es par le droit du libre accès à la nature ont peur qu’il entraîne des abus de la part des personnes qui en profitent. Par exemple, pour la petite histoire : en Suède, au début du XXe siècle, il y a eu toute une polémique sur la cueillette d’une baie.

QUIZ
La baie concernée était…

Bref, ils et elles partent du principe qu’un bien commun, partagé par tous·tes (ici, les milieux naturels) va fatalement être abîmé et/ou surexploité → c’est ce qu’on appelle la théorie de la tragédie des communs. Mais jusqu’à preuve du contraire, en Suède, il n’y a eu aucune révélation concernant une surexploitation des baies cueillies en forêt 🤷

La solution miracle pour démocratiser l’accès à la nature ?

En théorie, créer un droit d’accès à la nature encourage un maximum de personnes à s’en emparer et l’exercer pendant leur temps libre.

Mais il ne peut pas tout résoudre : il est « un principe utile pour réduire les inégalités environnementales, mais [...] pas comme une condition suffisante pour lutter contre ces inégalités » écrit Camille Girault, maître de conférence Université Savoie Mont Blanc, dans un article sur le sujet. Il le voit plutôt comme « une première étape indispensable » mais qui ne doit pas s’arrêter en si bon chemin 😌

C’est possible de créer un droit similaire en France ?

La loi française ne prévoit pas de droit d’accès à la nature. Les espaces naturels privés sont accessibles sur le principe de tolérance (par défaut, si leur propriétaire n’en interdit pas explicitement l’accès, tu peux t’y promener), à l’exception des plages (en libre accès) et des terrains concernés par des situations un peu particulières.

QUIZ
Quelle part de la forêt est privée en France ?

« On pourrait imaginer, en France, un droit d’accès à la nature avec plusieurs niveaux de réalités, explique Émilie Gaillard. Par exemple, nationaliser les forêts, et pour celles qui restent privatisées, créer un droit d’accès encadré par des règles de civilités. »

Elle poursuit : « Surtout, il faut éduquer à ce droit dès le plus jeune âge, réintégrer le fait que l’on fait partie de la nature, en développant le principe des classes en forêt par exemple. »

Interview d’Émilie Gaillard, maîtresse de conférences en droit privé et spécialiste du droit de l’environnement
Vertigo - Le droit d’accès à la nature en Europe du Nord : partage d’un capital environnemental et construction d’un espace contractuel
Forest Policy and Economics - Divergent interests and ideas around property rights : the case of berry harvesting in Sweden
Nature - Neighborhood greenspace and health in a large urban center
Relations - Le libre accès à la nature : un droit à inscrire dans la loi
Centre national de la propriété forestière - Les chiffres clés de la forêt privée 2021

Pauline Vallée
Voisine de Totoro

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