Le marché du CBD est en plein boom : dans le monde, il représentait quasi 5 milliards de dollars en 2021, et pourrait peser jusqu’à 47 milliards de dollars (43 milliards d’euros) en 2028 (!) → pour comparer, c’est l'équivalent du budget 2023 de l’armée française !
Pour connaître la réponse, il faut déjà se pencher un tout petit peu sur la culture du chanvre (parce que pour rappel le CBD c’est une molécule extraite du chanvre).
Cultivé depuis plus de 10 000 ans, le chanvre est une plante dont les graines, la fibre, le bois (bref un peu tout ce qui la compose) est utilisable.
Aujourd’hui, la France est le 4e producteur mondial de chanvre (derrière la Chine, le Canada et les États-Unis) avec une surface de culture du chanvre de 20 000 hectares (= 30 000 terrains de foot).
Le chanvre industriel (= utilisé par exemple dans la construction, l’isolation ou le tissage de vêtements) consomme peu d’eau et en plus de ça c’est une plante résistante à la sécheresse. Sa culture ne nécessite en général pas de pesticides.
Enième rappel → le cannabidiol (CBD) est tiré de la plante du chanvre (ses fleurs et feuilles) à condition qu’elle ne dépasse pas 0,3% de taux de THC.
La France compte environ un millier de producteur·ices de CBD selon Guillaume Guieu, cultivateur, vice-président de l’Association française des producteurs de cannabinoïdes (AFPC) et président de la société Cannacie.
« En France, le chanvre cultivé pour un débouché en CBD est cultivé principalement en plein champ ou sous serre » explique Guillaume Guieu. Ce n’est pas le cas du CBD importé de Suisse, qui est, selon lui, majoritairement cultivé en intérieur.
Qu’est-ce que ça change dans ce cas ? La culture en intérieur est bien plus énergivore : il faut de l’électricité pour chauffer les salles, des lampes pour éclairer les plantes… Pour te donner un exemple, en Californie, selon les estimations, la culture intensive du cannabis en intérieur représenterait jusqu'à 1% de la consommation d’électricité nationale !
On l’a dit au-dessus, le chanvre est une plante rustique qui résiste très bien à la sécheresse. Mais pour être sûr d'obtenir des fleurs de chanvre, qui vont ensuite être utilisées pour créer des produits riches en CBD, elles ont quand même besoin d’un minimum d’approvisionnement en eau pour s’épanouir.
En fait, selon Guillaume Guieu, ça dépend beaucoup du climat local : « J’ai des amis en Creuse qui n’arrosent jamais alors que chez moi, dans le Sud, j’arrose une fois par semaine. Si on n’irrigue pas assez, on stresse la plante et son taux de THC peut exploser. »
Plus de 70% des producteur·ices français·es de CBD adhérent·es à l’AFPC sont certifié·es bio. Leurs cultures respectent donc les principes de l’agriculture biologique : pas d’OGM*, pas d’utilisation de produits phytosanitaires… C’est donc plutôt une bonne nouvelle pour la planète !
« On a très peu besoin de produits phytosanitaires, confirme Guillaume Guieu. Le seul traitement qu’on utilise c’est le Bacillus thuringiensis [un insecticide autorisé en culture bio] pour éviter la prolifération de chenilles. »
Tout bio tout beau, le CBD ? À priori oui (quasi) pour celui qui est cultivé en France. Mais pour celui qui vient d’ailleurs, c’est une autre histoire 👀 « Les produits importés sont gavés d’engrais minéraux, de pesticides, de métaux lourds etc. Beaucoup d’entre eux sont aussi “lavés” avec des solvants* pour leur retirer des cannabinoïdes, et éviter qu’ils ne dépassent le taux réglementaire » ajoute le vice-président de l’AFPC.
Le chanvre est une culture à priori écologique : la plante dépollue les sols, consomme peu d’eau et est suffisamment costaud pour ne pas nécessiter de pesticides pour pousser.
Mais le système peut comporter des dérives : « Là où il y a une hérésie aujourd’hui, c’est la production indoor. Le produit a poussé avec des renforts de lumière, a été gavé d’engrais, il sent plus fort et ne respecte même pas les taux de THC » pointe Guillaume Guieu.
Bon, en lisant tout ça on peut se dire que si un jour le cannabis devient légal en France, il pourrait connaître les mêmes dérives (après tout, c’est ce qui est en train de se passer en Californie 👀). Du coup, c’est peut-être pas si mal de se faire la main sur le CBD, ça ouvre la voie en quelque sorte 😇
Solvant : Liquide qui a le pouvoir de dissoudre certaines substances.
OGM : Organisme Génétiquement Modifié, par exemple une plante qu’on modifie un peu pour la rendre plus résistante à des maladies ou produits.
Interview de Guillaume Guieu, cultivateur, vice-président de l’AFPC et président de la société Cannacie
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