Es-tu (oui, toi) responsable du changement climatique ?

POV : tu découvres la réalité du changement climatique, tu paniques (ou pas), et tu ressens une petite forme de… culpabilité 🤭 Une question poppe dans ta tête : « Est-ce que ce truc affreux est en partie de ma faute ? Suis-je responsable ? »

Cette question de la responsabilité, chez NOWU, on la trouve importante. Pas pour le kiff de faire un peu de philo, mais surtout parce qu’elle peut avoir un vrai impact sur ton quotidien en générant tout un tas de sentiment pas ouf (culpabilité, anxiété, honte…).

On a donc décidé de la poser à 3 personnes différentes : la philosophe Catherine Larrère, le militant Hugo Viel et Émilie Gaillard, maîtresse de conférences en droit privé à Sciences Po Rennes.

Les individus sont-ils responsables du changement climatique ?

Déjà, il faut comprendre de quoi on parle en disant « responsabilité ».

Pour la cause, c’est assez simple : le changement climatique actuel est bien causé par l’Homme, qui émet trop de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. C’est un fait scientifique établi, validé par plus de 99% des études mondiales. L’humanité est donc bien responsable, dans le sens où c’est elle qui cause le problème.

Est-ce que ça veut dire que toi, en tant que (petit) composant de la population mondiale, tu es aussi responsable ? Là, c’est beaucoup plus compliqué de répondre selon Catherine Larrère.

« Déjà, le changement climatique est un phénomène global : tout le monde pollue à son échelle. La responsabilité est diffuse. Les causes et les effets sont séparés dans le temps et dans l’espace. Impossible de savoir qui a émis telle quantité de CO2 dans l’atmosphère. Et il n’y pas d'intention de nuire : personne n’a eu envie de provoquer le changement climatique ! »

Mes choix de vie comptent-ils vraiment ?

Oui, mais… et tout le blabla sur l’empreinte carbone, préférer le train à l’avion, manger moins de viande ? Si t’es pas responsable du changement climatique, ce genre de choix ne devrait faire aucune différence non ?

Bien essayé 😏 mais même si « on ne peut pas suivre la conséquence de chaque action, additionnées, la somme de ces actions ont un poids sur le climat » ajoute Catherine Larrère. Tes choix ont donc bien des conséquences : tu as une part de responsabilité… mais tu n’es pas coupable en tant qu’individu. La voilà, la nuance.

Individu VS « le système » : à qui la faute ?

Bienvenue dans le grand jeu du « c’est ta faute, nan, c’est la tienne » 🎉 Un grand classique des débats sur les questions écolo : simples citoyen·nes versus États et grandes entreprises, qui doit se bouger en premier ?

On l’a dit juste avant, une partie de la pollution que tu émets est liée à tes choix perso. Par exemple partir en week-end de 3 jours en avion à Marseille → ce choix peut être lié à ton niveau d’information sur le climat (« je sais pas que l’avion pollue »), à tes revenus (l’aller-retour Paris-Marseille en train est trop cher), mais aussi en partie à ton libre-arbitre. Par flemme, égoïsme… tu peux choisir de prendre cet avion pour le week-end, quand bien même tu sais que c’est pas ouf pour la planète et que tu as les moyens d’y aller en train 🤷

Même si tu veux bien faire, au bout d’un moment, tes choix vont aussi dépendre du cadre que définit la société (alternatives, infrastructures…). Pour reprendre l’exemple de ton week-end : baisser le prix des billets de train, t’offrir un jour de congé en bonus…

« Même si on faisait tous parfaitement nos éco-gestes, ça ne suffirait pas à stopper le changement climatique » explique Hugo Viel.

« C’est le fonctionnement de la société dans son ensemble qu’il faut changer. C’est la responsabilité du politique de nous donner des outils pour vivre différemment. Et pourtant rien n’est fait. »

Pour Émilie Gaillard, les citoyen·nes sont celles et ceux qu’on culpabilise le plus sur leur impact environnemental, alors que les multinationales sont les plus gros pollueurs. Total Énergies par exemple a émis 410 millions de tonnes de CO2 en 2019 (1477 milliard de tonnes selon Greenpeace).

Oui mais, tu vas me dire : si Total existe, c’est bien parce que des gens continuent d'acheter de l’essence ? « C’est exactement un argument que met en avant Pouyanné [le PDG de Total], prévient Hugo Viel. Il mise sur le statu quo, sur le fait que la société aura toujours besoin de pétrole dans 50 ans. Dire que les gens doivent arrêter d’eux-mêmes le pétrole, c’est faire peser toute la responsabilité du changement sur eux. On en revient à la question du cadre : si y a pas une ligne de train près de chez moi, je vais bien être obligé de faire rouler sa voiture. »

Suis-je plus responsable que d’autres ?

Comme le résume Hugo Viel : face au changement climatique, notre responsabilité est partagée (on joue tous·tes un rôle) mais différenciée (certain·es polluent plus que d’autres). Qui sont les plus responsables ?

Les pollueurs historiques

L’humanité a commencé à émettre masse de gaz à effet de serre (responsables du changement climatique) au début de la révolution industrielle, au XIXe siècle.

Cette responsabilité historique de certains pays (les pays du Nord*, comme les États-Unis ou la France) doit être prise en compte, surtout que les pays du Sud* qui ont, historiquement, peu pollué, sont aussi ceux qui subissent aujourd’hui la majorité des conséquences du changement climatique. « Quand la Chine est devenue le premier pays émetteur, ça n’a plus eu grand sens de parler de la responsabilité historique, nuance Catherine Larrère, mais cette question reste importante. »

Les plus riches

C’est une constante : en général, plus tu es riche, plus tu pollues.

Ça se vérifie déjà entre les États. Tiens, par exemple, prends le Jour du dépassement → en 2023, l’humanité a consommé l’équivalent en ressources naturelles de 1,75 planète Terre.

Les inégalités se retrouvent aussi au sein même d’un pays, entre les individus.

Vis-à-vis de qui suis-je responsable ?

Déjà, des autres êtres humains ! En particulier de ceux qui se prennent les conséquences du réchauffement climatique en pleine poire (alors que c’est bien souvent eux qui émettent le moins de CO2…) 😬

Le changement climatique a aussi des conséquences sur l’ensemble des êtres vivants non-humains (les animaux, les plantes, les insectes… toute la biodiversité quoi !), et en aura sur les futures générations humaines. Nous sommes donc aussi responsables vis-à-vis d’elles.

C’était d’ailleurs l’ambition de la campagne Notre constitution écologique qui demandait en 2018 de modifier l’article 1 de la Constitution française pour intégrer le principe de « non-régression » → faire en sorte que nos actions ne nuisent pas aux intérêts des générations suivantes et ainsi garantir une sorte d’équité inter-générationnelle.

« Les générations d’avant ont toujours pensé que leurs enfants et petits-enfants vivraient mieux. Aujourd’hui, la question se pose : quel monde a-t-on envie de laisser à la génération d’après ? »
Hugo Viel

Pour Émilie Gaillard, la question des générations futures est une vraie révolution du droit international. « Si on prend l'exemple du rejet des eaux de la centrale de Fukushima, on peut dire que c’est un crime vis-à-vis des générations futures. Cette eau va contaminer les océans, contaminer la biodiversité marine et forcément impacter les générations suivantes. Et à l’heure actuelle, nous n’avons aucune maîtrise sur les conséquences de cette contamination. »

Pourquoi se poser la question ?

Bah ouais, au final, est-ce que c’est vraiment utile de se casser la tête avec tous ces questionnements et est-ce que trouver un·e coupable va résoudre le problème ? 🤔

Pour savoir qui doit réparer ses bêtises

Pour Catherine Larrère, « la question de la responsabilité n’est pas stérile ». La responsabilité historique dont on te parle juste au-dessus est importante : « Certains pays préféraient qu’on en parle pas, mais elle ne peut pas être laissée de côté. »

Pour Hugo Viel « si on veut savoir qui est vraiment responsable uniquement pour faire porter la faute à un tiers et le faire culpabiliser, ce n’est pas la peine ».

« L’idée est d’identifier l’origine du problème pour mieux pouvoir le résoudre. Se demander qui contribue le plus au réchauffement climatique permet aussi de savoir qui sera en charge de réparer les dégâts. »

Pour être plus conscient·es des conséquences de nos actes

Parce que dans un truc aussi gros que le réchauffement climatique, on a vite fait de se dire « au fond, moi à mon échelle de simple humain, ce que je fais n’a pas vraiment de conséquence directe sur l’avenir de la planète ».

Sauf que non en fait… Pour Catherine Larrère, « il ne faut pas uniquement mesurer la valeur de nos actions à leurs conséquences mais aussi si elles sont bonnes ou pas ».

« Par exemple, si je conduis en état d’ivresse et que je renverse quelqu’un je vais me sentir coupable. Mais si je ne renverse personne, ça ne veut pas dire pour autant que j’ai bien agi. Pour le réchauffement climatique c’est pareil : l’important c’est de faire en sorte d’y prendre le moins part possible. »