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Et si on utilisait les semences paysannes pour éviter les famines de demain ?
Esther Meunier
Esther Meunier
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De « semences paysannes », aussi appelées « semences libres et reproductibles » ou « semences de population » : en gros, des graines, jusque-là ça va 😇
Mais elles ont 3 particularités :
→ Tu te dis peut-être « Ouais, des graines quoi 🤷♀️ ». Mais en fait c’est un peu plus que ça.
En fait aujourd’hui, la très très grosse majorité des graines cultivées ne sont pas des semences paysannes, mais des semences industrielles → elles sont créées par l’agro-industrie*.
« À travers des processus de sélection qui sont longs et coûteux, les agro-industriel·les ont sélectionné et hybridé ces graines jusqu’à ce qu’elles puissent toutes donner les mêmes salades, de la même taille, qui se conservent longtemps… Idéales pour les supermarchés quoi. »
Estelle, du Réseau Semences Paysannes
Ces variétés sont tellement travaillées génétiquement, qu’une fois que les fruits, légumes, céréales qu’elles donnent sont récolté·es… plus possible de les replanter 😟 Antoine, lui aussi du Réseau Semences Paysannes, explique que réutiliser ces graines « donne une plante de 2e génération très différente, qui ne ressemblera pas du tout à ses parents ».
Ces graines industrielles sont possédées par les entreprises qui les ont créées, donc il faut les racheter chaque année à ces mêmes entreprises pour pouvoir les cultiver (🤑🤑🤑).
« Ça date d’après la Seconde Guerre mondiale : pour produire le plus possible l’industrie a développé des graines qui font de très beaux rendements (= qui donnent beaucoup de récoltes) à condition d’être associées à des engrais et des pesticides », explique Juliette Duquesne, journaliste qui a écrit le livre Les semences - Un patrimoine vital en voie de disparition.
En gros, c’est le développement de l’agriculture intensive : pour favoriser de grosses récoltes, les gouvernements ont mis en place des réglementations restrictives qui ne permettaient de vendre que ces semences industrielles et pas (ou peu) les semences paysannes qui étaient estimées moins rentables et/ ou fiables.
→ Il y a un catalogue, il n’est possible de vendre ou cultiver que ce qui est dedans. Autant dire pas grand chose par rapport à la diversité de plantes qui existe. Au niveau mondial en 2014, l’ONU estimait que 9 plantes représentaient 66% de toutes les cultures 🌾
« Les semences paysannes, c’était des variétés qui étaient transmises de génération en génération depuis 12 000 ans, et avec le changement climatique on s’aperçoit que c’est important d’avoir cette diversité de semence car elles vont savoir s’adapter au terroir, au climat... »
Juliette Duquesne
Le gros point fort de ces semences « libres », c’est qu’elles se reproduisent, contrairement aux semences industrielles. Donc si une année elles font face à une sécheresse, les plants qui y auront résisté seront ceux qui donneront les graines pour les récoltes de l’année suivante, et les plantes suivantes seront donc plus résistantes à la sécheresse 💪
« En plus, les semences industrielles fonctionnent moins bien dans un climat qui change parce qu’elles sont plus fragiles », poursuit Juliette.
Les semences industrielles sont des quasi clones 👯 si une des plantes est touchée par une maladie par exemple, elles le seront toutes ! Ce sont donc des semences moins résistantes comme c’était dit juste au-dessus : pour que leurs rendements soient bons, il leur faut des engrais et des pesticides ⚗️
Autant de produits qui ont un impact sur le réchauffement climatique, la biodiversité, la vitalité des sols… Même l'Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) le dit : « [ces produits] font payer un lourd tribut à l'environnement ».
Alors que les semences libres, elles, ont moins besoin de tous ces produits car elles sont plus résistantes 😌
Tu l’auras peut-être compris : ces semences peuvent être reproduites, ce qui évite aux agriculteur·ices de les racheter chaque année à Monsanto et compagnie.
C’est important pour Juliette : « On le voit en ce moment avec le Covid, la crise en Ukraine : l’autonomie alimentaire* d’un pays c’est essentiel ! Si demain il y a un problème et qu’on n’a pas la capacité de refaire nous-même nos semences, qu’il faut les racheter à des multinationales pas forcément françaises, c’est un danger. »
Comme le résume Antoine, c’est une aussi une question de réappropriation : « Les agriculteur·ices sont devenu·es de simples exécutant·es, il faut en refaire un métier complet dans lequel on cultive sa propre semence et on l’améliore, leur rendre cette liberté. »
Continuer à faire vivre les semences paysannes = permettent de les échanger, de les planter, de développer le savoir qui les entoure… Pas mal d’organisations :
Et si à ton niveau tu veux contribuer à préserver et diffuser ces petites graines, Antoine te recommande :
Droit de propriété intellectuelle : C’est lorsqu’une personne ou une organisation crée ou invente quelque chose → elle est alors la seule à pouvoir l’utiliser, le vendre, etc. (généralement pendant une période donnée avant que ça devienne accessible à un plus grand nombre).
Agro-industrie : Industrie liée au monde agricole, par exemple aux engrais, pesticides, mais aussi aux semences, aux OGM, etc.
Autonomie alimentaire : Le fait de pouvoir subvenir aux besoins en nourriture d’une population locale, en produisant cette nourriture sur son territoire.
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