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Au fait, c'est quoi un rapport du GIEC ?
Pauline Vallée
🤝 En partenariat avec Météo-France
Pauline Vallée
🤝 En partenariat avec Météo-France
Tout le monde, dès qu’un rapport du GIEC est publié :
Mais concrètement, à quoi ils servent ? Qui les écrit ? Comment sont-ils conçus ? On a demandé à Roland Séférian, chercheur au Centre National de Recherches Météorologiques (CNRM), et Samuel Morin, directeur du CNRM, qui ont tous deux bossé sur des rapports du GIEC. Ils t’expliquent tout 👇
Cette organisation a été créée en 1988 par l’Organisation météorologique mondiale et le Programme des Nations Unies pour l’Environnement.
Elle est basée à Genève (en Suisse) et regroupe les représentant·es des gouvernements de 195 pays (= la quasi-totalité des pays du monde), qui se réunissent au moins une fois par an.
Le GIEC comporte :
« Le changement climatique est un puzzle. Chaque scientifique arrive avec sa sensibilité, sa propre pièce. Le travail du GIEC, c’est d’assembler toutes ces pièces pour résoudre le puzzle. »
Roland Séférian
Pour remplir cette mission, l’organisation publie régulièrement des rapports.
Ces rapports servent ensuite de base scientifique pour les discussions internationales sur le climat, comme les COP* → le rapport publié le 9 août dernier sera utilisé pendant la COP 26 de Glasgow en novembre.
Des expert·es (nommé·es par les représentant·es des gouvernements, les observateur·ices externes et le Bureau du GIEC) se réunissent pour établir le cahier des charges du futur rapport (de quoi il va parler, les points essentiels à intégrer...).
Le cahier des charges est publié. N’importe quel·le scientifique intéressé·e peut se proposer pour participer à l’écriture !
Les candidat·es sont retenu·es selon plusieurs critères, comme le genre, l’expérience, le pays d’origine, le domaine de spécialité…
Les auteur·ices écrivent le « zéro order draft » = un brouillon qui contient les structures de chaque chapitre et les idées principales. C’est la seule version du rapport qui n’est jamais rendue publique.
Ces deux versions du rapport peuvent être relues par toute personne dotée d’un minimum de connaissances scientifiques.
« Ça va des commentaires techniques à “vous avez oublié une virgule ici”. Une remarque peut se régler en une ligne, ou entraîner la réécriture de tout le chapitre ! »
Roland Séférian
À partir du 2ème brouillon, les États membres du GIEC peuvent relire le texte en mobilisant les ministères concernés et d’autres scientifiques.
Tous ces échanges sont publiés en même temps que le rapport final. Celui du 9 août dernier a par exemple reçu plus de 74 000 commentaires !
C’est aussi à partir de cette étape que le « résumé pour décideurs » (un texte qui récapitule les principales conclusions du rapport pour les politiques) commence à être écrit.
La 3e version du rapport et la 2e version du résumé pour décideurs (tu suis toujours ?) sont relues par les États.
Les coordinateur·ices de chapitre et certain·es auteur·ices passent devant les représentant·es des gouvernements en mode grand oral #stresslevelmax
Chaque ligne du résumé est projetée et discutée (éventuellement réécrite pour la rendre plus claire).
« Je me souviens de l’approbation de la première phrase du résumé dont j’étais responsable. Je suis sur l’estrade, elle est projetée derrière moi. “Personne n’a d’objection ?” Et hop, au coup de marteau, elle passe. Je savais le travail qui se cachait derrière chaque ligne. En voir une approuvée, ça fait quelque chose ! »
Samuel Morin
En cas de gros désaccord, les scientifiques ont toujours le dernier mot.
Le rapport et le résumé pour décideurs sont publiés.
« Ce résumé, tout le monde peut le consulter, pas seulement les gouvernant·es. D’ailleurs, j’invite tout le monde à le lire ! »
Samuel Morin
C’est un travail de groupe géant.
Pour te donner une idée → 234 personnes ont coécrit le rapport publié le 9 août 2021.
Ces auteurs et autrices ont parfois des profils très différents, comme le rappelle Samuel Morin : « Les rapports spéciaux du GIEC sont souvent interdisciplinaires. On échange avec des scientifiques de différentes spécialités, mais aussi des économistes, des écologues*… »
Pas question de bosser seul·e dans son coin : il faut rester en lien avec le reste de l’équipe : « On s’envoyait des mails quasiment tous les jours. Ça a très bien fonctionné. Mais ce n’est pas toujours le cas. La communication peut être très compliquée, voire conflictuelle », raconte Roland Séférian.
« Écrire un rapport du GIEC est l’un des exercices scientifiques les plus exigeants. Peut-être LE plus exigeant que je connaisse. »
Samuel Morin
Et pour tout comprendre aux derniers rapports, retrouve notre débrief de celui de février 2022 sur les effets du changement climatique ici, et de celui d’avril 2022 sur les solutions ici.
Conférence des Parties (COP) : Conférence mondiale qui se tient tous les ans en réunissant la quasi-totalité des pays afin de fixer des objectifs sur la lutte contre le réchauffement climatique et d’élaborer des mesures pour atteindre ces objectifs
Écologue : Personne qui étudie l'impact des activités humaines sur l'environnement et la biodiversité
Interview de Roland Séférian, chercheur au Centre National de Recherches Météorologiques (CNRM), qui a participé à l’écriture du rapport spécial Réchauffement planétaire de 1,5 °C (2018)
Interview de Samuel Morin, directeur du CNRM, qui a travaillé sur le rapport spécial L’océan et la cryosphère dans le contexte du changement climatique (2019)
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