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C’est quoi le débat avec les voitures électriques ?

Déjà : on en est où sur les voitures électriques ?

QUIZ
Combien de voitures électriques vendues en Europe en 2022 ?
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Et la question qui fâche : qui est la plus écolo ?

Mais le sujet continue énormément de faire débat. Pourquoi ? On te résume les principaux points qui coincent 👇

La question des batteries

Une voiture thermique tire son énergie de la combustion d’un carburant (essence, diesel). Alors qu’une voiture électrique tire son énergie d’un apport extérieur en électricité → elle a donc besoin d’une batterie pour stocker cette électricité.

Ces fameuses batteries sont fabriquées à partir de plusieurs métaux, comme le lithium, le nickel et le cobalt. Et c’est là que ça coince → l’extraction de ces minerais ne se fait pas toujours dans de supers conditions :

  • 70% du cobalt mondial par exemple est extrait en République démocratique du Congo, dont une partie dans des mines artisanales qui génère une pollution environnementale, la destruction d'écosystèmes, et des atteintes aux droits humains.
  • 90% du lithium mondial vient d’Australie, de Chine et du Chili. Son extraction consomme beaucoup d’eau = jusqu’à 1,9 million de litres d’eau pour 1 seule tonne de lithium. Or t’es pas sans savoir que l’eau est une ressource précieuse qui devient de plus en plus rare : dans le désert d’Atacama au Chili, l’extraction minière aurait utilisé 65% de l’eau de la région selon l’Institute for Energy Research, ce qui pose des problèmes pour l’accès à l’eau des agriculteur·ices et populations locales. Le lithium peut aussi être extrait grâce à des produits chimiques qui, en cas de fuite, entraînent une pollution 😬

À cause de sa batterie, la voiture électrique consomme donc beaucoup plus de minerais que la voiture thermique même si, « construire une voiture thermique nécessite déjà entre 1 et 1,5 tonne métaux, ce qui implique d’extraire plus de 20 tonnes de minerais pour récupérer la matière nécessaire » relève Aurélien Bigo, chercheur sur la transition énergétique des transports

La question de la voiture en elle-même

Pour réduire ce problème de l’utilisation de minerais (notamment pour la batterie), pas 36 solutions : il faut que les voitures électriques soient les plus petites et légères possibles.

« En France, une voiture électrique a un impact carbone 2 à 3 fois inférieur à celui d’un modèle similaire thermique, à condition que sa batterie soit de capacité raisonnable (< 60 kWh) » appuie l’ADEME dans son étude.

Et attention, même si un SUV électrique a moins d’impact environnemental qu’un SUV thermique, dans tous les cas, « [...] les SUV électriques ne sont donc pas une bonne option écologique ». Pour le bien de la planète, mieux vaut donc renoncer aux SUV tout court (déso).

La question énergétique

Quoi qu’il arrive, pour faire avancer tous ces véhicules électriques, il va falloir… eh bien de l’électricité. Et là, ça pose la question de combien d’électricité, et quel type d’électricité 🧐

Le type d’électricité

Produire de l’électricité, ce n’est pas neutre : ça a un impact sur l’environnement, plus ou moins grand selon si on la produit à partir :

Ces dernières, utilisées dans des centrales à charbon ou à gaz, émettent beaucoup plus de gaz à effet de serre que les premières. Donc si on recharge les voitures électriques avec de l’électricité produite à base de charbon ou de gaz, elles sont beaucoup plus polluantes que si on les recharge avec de l’électricité produite grâce à l’éolien ou à l’hydraulique.

Mais plotwist : d’après Carbone 4, même dans les pays où la majorité de l’électricité est produite à partir de charbon (l’énergie la plus émettrice de gaz à effet de serre) comme en Australie, en Chine ou en Pologne, les émissions des voitures électriques sont le plus souvent moins élevées que celles des voitures thermiques 😮

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Pour l’instant, l’inverse est vrai seulement dans :

Et comme en plus la plupart des pays ont pour objectif de décarboner leur production d’électricité, l’écart va de plus en plus se creuser !

La quantité d’électricité

Tu l’as probablement constaté cet hiver : produire de l’électricité, ça se fait pas par magie. Il est même possible d’en manquer. Donc électrifier tout le parc automobile implique d’avoir assez d’électricité pour le faire (no shit Sherlock).

Si on garde un usage de la voiture tel qu’il est aujourd’hui, en convertissant simplement les véhicules thermiques en véhicules électriques, « on s’approcherait d’une consommation d’électricité pour les voitures électriques autour de 100 TWh, sachant qu’aujourd’hui on est à un peu plus de 500 TWh pour toute la France » explique Aurélien Bigo. On augmenterait donc les besoins d’environ 20% (sans compter tout le reste des secteurs qui doivent s’électrifier 🤪). D’après lui, c’est « pas insurmontable mais ça nécessite d’anticiper ».

Il existe heureusement des scénarios plus sobres, selon les scénarios à horizon 2050 qu’Aurélien Bigo a contribué à établir, on pourrait limiter le besoin en électricité à 30 à 40 TWh !

La question des infrastructures

Les bornes de recharge

Ok, avoir de l’électricité la plus décarbonée possible, c’est bien, mais encore faut-il pouvoir charger les voitures avec ! Et pour ça, il faut des infrastructures de recharge notamment. La France devrait d'ailleurs atteindre les 100 000 bornes de recharges publiques courant 2023 selon la ministre des PME Olivia Grégoire ⚡️

Mais Aurélien Bigo rappelle que « on a tendance à beaucoup parler des bornes de recharge publiques pour des recharges au cours de la journée ou des longs trajets mais ça ce sont des usages assez ponctuels. La priorité, c’est d’en avoir à côté de chez soi, pour le quotidien ».

Plusieurs techniques peuvent être développées :

  • La recharge à domicile, facile pour celles et ceux qui ont un garage par exemple
  • La recharge sur les lieux de travail, pour des recharges quotidiennes mais en journée
  • Les bornes de recharge en copropriété, à partager entre voisin·es
  • Les bornes de recharge dans l’espace public, pour celles et ceux qui n’ont pas d’autre choix que de se garer dans la rue

L’ADEME explique dans son avis sur les voitures électriques que les collectivités ont un gros rôle à jouer dans le déploiement de ces infrastructures, et rappelle qu’il faut privilégier les bornes de recharge « normales » adaptées à un usage quotidien de type domicile-travail, plutôt que les bornes de recharge rapide qui consomment beaucoup.

Et le reste : batteries, usines de recyclage, production d’électricité

D’autres changements dans l’aménagement des territoires, des réseaux électriques ou des industries vont devoir être mis en place. Par exemple :

  • Prévoir le déploiement des infrastructures énergétiques nécessaires à la production d’électricité, le tout sans trop artificialiser les sols et faire concurrence à l’agriculture (challenge accepted 🤝 par exemple avec des bornes de recharges équipées de panneaux solaires ?).
  • Augmenter les capacités des usines de recyclage de batteries
  • Développer l’usage des voitures électriques comme batteries de stockage pour lisser l’usage de l’électricité (stocker quand beaucoup d’énergie est produite, utiliser ce stock quand elle manque)

La question du coût

Ouais c’est la question qui fâche : passer à l’électrique, pourquoi pas, mais pour l’instant à l’achat c’est plus cher (même si à long terme, le développement du marché de l’occasion va faire diminuer aussi le coût d’achat) 💸

Pourtant, c’est pas le cas sur le long terme, et ça pour plusieurs raisons :

  • D’abord, recharger sa voiture avec de l’électricité coûte moins cher que de faire le plein d’essence ou de diesel (pour 300km, c’était 10€ en charge électrique normale contre 30€ en essence ou diesel selon un document de l’ADEME d’octobre 2022).
  • Il y a moins d’entretien à faire sur une voiture électrique que sur une voiture thermique : un·e propriétaire de voiture électrique économiserait jusqu’à 4000€ sur la durée de vie du véhicule !
  • Bonus : dans certaines villes le stationnement est moins cher, et certains opérateurs d’autoroute permettent d’accéder à une remise aux péages

Pour finir sur ce sujet : « développer une offre de véhicules électriques légers et sobres est important aussi pour cette raison : ils sont moins chers à l’achat et consomment moins d’électricité, ce qui leur permettra d’être plus accessibles aux plus précaires, et en principe de le rester malgré la hausse des coûts de l’énergie » précise Nicolas Raillard, auteur de la note d’analyse du Shift Project Peut-on faire mieux que le tout-voiture électrique en France.

Pour résumer, pour Aurélien Bigo, la plupart des choses reprochées à la voiture électrique peuvent en fait être reprochées à la voiture thermique aussi, « il y a une focalisation par les opposants sur le thème de la batterie, mais c’est un peu une manière de dévier le débat ».

Donc comme de toute façon, pour respecter les engagements climatiques il va falloir cesser d’avoir autant recours aux énergies fossiles, il vaut mieux se focaliser sur le passage à l’électrique, de la manière la plus écolo et juste possible 👇

Réduire l’impact des voitures électriques : y a des solutions ?

Au niveau des batteries

Les batteries sont le gros point faible de la voiture électrique… heureusement, il y a plusieurs pistes pour réduire leur impact 🙌

Déjà, comme l’explique Aurélien Bigo, leur composition est en train d’évoluer : « De plus en plus de constructeurs se tournent vers des batteries lithium-fer-phosphate plutôt que lithium-manganese-cobalt, pour limiter certains impacts dues au cobalt. » Alors cool ça règle en partie le souci du cobalt, mais pas de l’impact des autres minerais comme le lithium…

L’Union Européenne a aussi adopté fin 2022 un accord qui impose dès 2027 aux fabricants de ne commercialiser que des batteries qui n’excèdent pas un certain niveau d’impact carbone (en prenant en compte justement les conséquences de l’extraction minière des matériaux qui la compose etc). 90% du cobalt et 50% du lithium contenus dans les batteries devront obligatoirement être recyclés à partir de 2027.

Au niveau des minerais

En parlant de recyclage… est-ce qu’on ne pourrait pas mieux recycler tous les métaux contenus dans les voitures (électriques) ? « Techniquement aujourd’hui on sait recycler entre 50 et 95% de ces métaux, mais on ne le fait pas vraiment dans le sens où il n’y a pas de gisement » explique Aurélien Bigo.

En gros, il n’y a pas encore suffisamment de voitures électriques en fin de vie à recycler → donc pas encore d’intérêt (économique) suffisant pour développer cette filière. Mais ça n’empêche que ce moment va arriver, et là, il faudra être prêt.

Au niveau du coût

On l’a vu, à long terme les voitures électriques sont déjà moins chères que les voitures thermiques. Mais pour faciliter la transition, les gouvernements peuvent aussi mener des politiques incitatives :

  • Mettre en place des subventions à l’achat : c’est déjà le cas en France avec par exemple le bonus écologique, la prime à la conversion et même des subventions locales, bien que ça puisse encore être développé pour que les plus précaires puissent aussi accéder à des véhicules électriques 💰
  • Contraindre ou inciter les constructeurs automobiles à proposer des modèles plus petits et légers, qui sont moins chers (en instaurant par exemple un malus selon le poids du véhicule).
  • Structurer le marché de la voiture électrique d’occasion, qui va se développer dans les années à venir ♻️
  • Ne plus seulement autoriser, mais contraindre les collectivités et opérateurs d’autoroutes à créer des tarifs préférentiels sur le stationnement et les péages 💶

Pour l’électricité

On l’a vu, le but est de réduire un max l’électricité consommée par le parc automobile. Et pour ça il y a plusieurs pistes :

  • Réduire les vitesses moyennes (coucou les 80 km/h et les 110km/h sur autoroute)
  • Privilégier les petites voitures électriques aux grosses
  • Réduire les besoins de déplacements en règle générale (avec le télétravail par exemple)
  • Privilégier les recharges lentes et en heures creuses aux recharges en 2 minutes (qui consomment autant que 1500 foyers)
  • Réduire l’usage de la voiture au profit des mobilités douces comme la marche et le vélo et des transports en commun

Revoir notre rapport à la voiture tout court

C’est la grosse condition pour que tout ça fonctionne le mieux possible : ne pas se contenter de convertir le parc automobile actuel du thermique vers l’électrique, mais en profiter pour réduire drastiquement la place de la voiture elle-même, comme ça a déjà été évoqué dans cet article.

  • Développer les modes de déplacements alternatifs : marche, vélo, transports en commun, train pour les longues distances
  • Réduire les besoins en mobilité, pour ça plusieurs pistes sont évoquées par Nicolas Raillard : « re-densifier les villes moyennes en créant des zones pas seulement pavillonnaires mais qui incluent aussi commerces, lieux de vie et de travail ; développer le télétravail ; relancer les boulangeries itinérantes dans les villages plutôt que de faire déplacer chaque personne jusqu’à la boulangerie, etc. »
  • Favoriser les petits véhicules suffisants pour l’usage quotidien aux grosses voitures électriques capables de parcourir de longues distances et aux bornes de recharge rapides → développer pour ces besoins ponctuels de longue distance des alternatives comme les prolongateurs d’autonomie, la location, etc.

Voiture thermique : Voiture qui utilise un moteur thermique et du carburant (essence, diesel, GPL, GNV…) pour fonctionner → cette combustion produit de l’énergie mais aussi du CO2.

Cycle de vie : Ensemble du parcours suivi par chaque produit → extraction des matières premières nécessaires à sa fabrication, transformation et assemblage de ces matières premières, transport vers le lieu de vente, stockage, commercialisation, utilisation, fin de vie…

Sédentarité : Situation d’éveil avec une activité physique faible ou nulle → en gros, tu bouges pas assez pendant ta journée.

Interview d’Aurélien Bigo, chercheur sur la transition énergétique des transports
Interview de Nicolas Raillard, référent Énergie-climat du Plan de transformation de l’économie française du Shift Project
AFP
Agence européenne de l’environnement - Electric vehicles from life cycle and circular economy perspectives (2018)
ADEME - Les 6 infos à connaître sur les véhicules électriques
UNEP - Les ressources minérales de la République démocratique du Congo peuvent-elles ouvrir la voie à la paix ?
La Croix - En RDC, l'impossible mise en conformité des mines illégales de cobalt
Amnesty International - Des recherches montrent les dommages à long terme de l’exploitation du cobalt
Institute for Energy Research - The Environmental Impact of Lithium Batteries
ADEME - Avis voitures électriques et bornes de recharge
European Environmental Agency - Pourquoi les voitures électriques sont-elles une bonne option pour remplacer les véhicules à combustion classiques ?
Carbone 4 - Analyse : la voiture électrique
Ministère de la Transition écologique - Développer l’automobile propre et les voitures électriques
Ministère de la Transition écologique - 38,7 millions de voitures en circulation en France au 1er janvier 2022
Je roule en électrique - Des avantages économiques au quotidien

Esther Meunier
À la recherche de bonnes nouvelles
Pauline Vallée
Voisine de Totoro

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