La pétro-masculinité, c’est un concept inventé en 2018 par la chercheuse en sciences politiques Cara Daggett. C’est donc tout récent 👀
Avec son concept, Cara Daggett explique comment l’utilisation de combustibles fossiles, comme le charbon ou le pétrole, est devenue un élément central de certaines identités masculines.
En gros, en utiliser permet à certains mecs de se sentir comme « des vrais mecs » (même si « vrais mecs » ça veut pas dire grand-chose 🤷♀️).
Et ça lui permet de montrer comment et pourquoi certains hommes sont à la fois sexistes, racistes et climato-sceptiques (même si certaines femmes ont la même vision des choses), et aspirent à une forme d’autoritarisme*.
Pour la chercheuse, depuis le développement des énergies fossiles au XIXe siècle, une partie des hommes en ont fait un élément important de leur identité : ils gagnent leur vie grâce à cette industrie (pas forcément en travaillant dedans, mais en en ayant besoin pour travailler au minimum) → c’est donc grâce à elle qu’ils ont pu installer le modèle de masculinité dominant type « l’homme qui nourrit sa famille » et gagner des privilèges sociaux et économiques 🤴🏻🤴🏻🤴🏻
Mais aujourd’hui, ce modèle est menacé : par les mouvements féministes et anti-racistes, mais aussi par la nécessité de faire face au changement climatique.
Face à cette « menace », une partie des hommes réagissent en exagérant ce qui représente pour eux leur masculinité, et donc par exemple l’utilisation de pétrole / gaz / charbon. Comme ceux qui pratiquent le « rollin’ coal » = modifier un moteur diesel pour qu’il émette une épaisse fumée noire et polluante 😷 (ouais c’est un vrai truc, c’est même suffisamment répandu aux États-Unis pour que ce soit interdit dans plusieurs États).
Bref : c’est comme ça que dans certains mouvements autoritaires et d’extrême-droite, les énergies fossiles sont devenues un symbole de masculinité, d’autonomie, d’auto-suffisance à défendre.
Concrètement, à cause de cette forme de pétro-masculinité, ça devient plus compliqué de lutter contre le changement climatique. Ça conduit à vouloir donner des garanties pour « rassurer » et faire perdurer cette forme de masculinité même si la société change et devient plus écolo.
Par exemple : « Oui on va devoir arrêter d’utiliser de l’essence et du diesel, mais vous inquiétez pas vous pourrez toujours avoir une grosse voiture électrique en forme de SUV pour avoir l’air de vrais mecs » - alors que ces voitures consomment souvent trop d’énergie par rapport à ce qui est nécessaire. C’est un peu caricatural, mais c’est l’idée 👀
Souvent, on imagine que si la société n’évolue pas suffisamment face au changement climatique, c’est parce que les gens n’ont pas compris l’ampleur de ce qui se prépare, ou bien parce qu’il y a des intérêts économiques qui priment sur tout le reste, ou bien parce que c’est complexe techniquement de transformer nos systèmes énergétiques.
Ce sont des raisons qui se cumulent, mais le concept de pétro-masculinité permet de comprendre qu’il y a aussi des raisons sociologiques, identitaires, culturelles à cette immobilité face à la sortie (nécessaire) des énergies fossiles !
Pour Cara Daggett, ce refus du changement « est actif et furieux ». « Il ne se contente plus de défendre le statu quo, mais procède à l’intensification des systèmes énergétiques fossiles jusqu’au dernier moment, ce qui nécessitera souvent le recours à des politiques autoritaires. »
Pour résumer : une partie de la population préfère consommer encore plus d’énergies fossiles pour défendre son identité plutôt que d’accepter de changer de modèle. Donc pour faire de nos sociétés des sociétés plus écologiques, il faut prendre en compte cette dimension politique (le fait que certain·es se sentent menacé·es par ces évolutions) et avoir en tête qu’il va falloir se battre sur ce terrain-là aussi, d’après Cara Daggett 🤓
Autoritarisme : Forme de pouvoir autoritaire et arbitraire, qui impose à la société son idéologie.
Sage Journals - Petro-masculinity: Fossil Fuels and Authoritarian Desire by Daggett, C.
Autonomy.work - Petro-masculinity and the politics of climate refusal by Daggett, C.
Médiapart - Le genre et la sexualité structurent la question climatique
24heures - Pétro-masculinité: quand brûler du gaz dans un gros char est synonyme de virilité