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C’est quoi l’impact écologique du cinéma ?

QUIZ
Rien qu’au Canada et aux États-Unis, en 2022 :

Ça fait un paquet de films, en tous cas assez pour s’interroger sur leur impact écologique ! Et ici, on va plutôt s’intéresser à la partie fabrication des films (la production) qu’à la diffusion (y a déjà beaucoup de choses à dire 😌).

L’empreinte carbone du cinéma

Quand on dit « impact écolo » on pense souvent « émissions de gaz à effet de serre », et c’est normal parce que le changement climatique qu’elles provoquent sont une préoccupation majeure.

Et il se trouve que produire un film, ça émet pas mal de gaz à effet de serre. Selon un rapport de The Shift Project, la production d’un film français émet entre 500 et 1000 tonnes de CO2 → 750 tonnes en moyenne. C’est l’équivalent de ce que polluent 75 Français·es sur une année entière.

Mais alors d’où viennent ces émissions ?

Le transport

Les lieux de tournages sont parfois éloignés, par exemple sur 6115 jours de tournage de films de fiction français en 2019, 1288 jours l’ont été à l’étranger !

« Que ce soit celui des équipes ou du matériel, c’est un point important » explique Alissa Aubenque, directrice des opérations à Ecoprod (une association qui se penche sur ce sujet depuis 2009). Elle ajoute :

« Il y a beaucoup de trajets inutiles qui alourdissent le bilan carbone. »

Bah oui, est-ce que c’est vraiment important de tourner une scène sur une plage du bout du monde alors qu’il y a presque 6000 km de côtes rien qu’en France continentale ? 😶

Les décors

Après le transport, une autre source de pollution est la consommation de ressources matérielles : les décors notamment, qu’on construit au début et qu’on détruit à la fin, pas toujours fabriqués avec des matériaux écologiques.

« Encore une fois, est-ce qu’il y a besoin de créer une salle à manger de toutes pièces, ou est-ce qu’on peut tourner dans une salle à manger existante par exemple ? » demande Mathieu Delahousse, cofondateur de Secoya, la première entreprise de conseil en écoresponsabilité pour le secteur audiovisuel en France.

La consommation énergétique

Un tournage a besoin d’être alimenté en électricité notamment pour les éclairages et tout le matériel technique (caméras etc). Et l’électricité, c’est pas neutre écologiquement.

En France on est sur un mix assez décarboné*, mais c’est pas toujours le cas à l’étranger 😬 Et même en tournant en France, il y a des exceptions :

« Si c’est en forêt, en bord de mer, en plein milieu de la campagne… Les raccordements électriques ne sont pas toujours faciles. Même au milieu de Paris, on a pas forcément les bonnes puissances, les raccordements au bon endroit, donc on utilise des groupes électrogènes qui fonctionnent avec des énergies fossiles en général » explique Alissa Aubenque.

L’alimentation

Un tournage mobilise énormément de monde, qu’il faut bien nourrir.

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Choisir une alimentation avec de la viande émettra en moyenne :

C’est tout ?

Pas tout à fait. D’après Mathieu Delahousse, « aujourd’hui, il nous manque un certain nombre d’infos : la post-production, le stockage de données, la “virtual production” où on tourne sur des écrans LED comme c’est le cas pour “The Mandalorian”… ». On maîtrise aussi moins l’impact des cosmétiques par exemple.

Normalement, ces données devraient bientôt être affinées grâce à une nouvelle politique du CNC, qui va imposer à tous les films qu’il soutient (à savoir : la plupart des films français) de réaliser plusieurs bilans carbone 🤓

Les conséquences sur les écosystèmes

« On va souvent dans des endroits magnifiques pour tourner mais il y a assez peu de sensibilisation des équipes sur la protection de ces lieux. »
Alissa Aubenque

Quelques cas célèbres de grosses destructions :

  • La scène d’ouverture d’Apocalypse Now par exemple a nécessité de littéralement brûler une forêt 😳
  • Pour le tournage de Mad Max : Fury Road, des pistes ont été tracées au milieu du désert namibien (une charrue de labour aurait été utilisée) ce qui a détruit des lichens et une partie des sols, l’habitat de la faune locale (lézards, serpents, insectes, etc).

« Plus récemment il y a eu des histoires de perturbations d’animaux : des chauves-souries dans une grotte, des flamands roses en Camargue qui ont abandonné leurs œufs suite à des prises de vue aériennes il y a quelques années, ou bien des arbres coupés parce qu’ils gênaient une prise de vue pour correspondre à ce que souhaitait l’équipe » poursuit Alissa Aubenque.

Rendre l’industrie du cinéma plus écologique : y a des solutions ?

Les bons et mauvais élèves du cinéma écolo

Tu l’auras compris y a quand même pas mal de trucs à améliorer. Et c’est possible, parce qu’il y a des films qui s’en sortent mieux que d’autres ☝️

  • Apocalypse Now et Mad Max ont contribué à la destruction d’écosystèmes, Spectre a été tourné en détruisant un très grand nombre de véhicules…
  • Mais à l’inverse, pour La Cour des miracles, tout a été pensé pour être le plus écolo possible : le film a été tourné en région parisienne avec des équipes locales, avec une vraie réflexion sur les décors, une sensibilisation du personnel…
  • Pour Sous les figues, qui a été tourné dans un champ de figues, la réalisatrice avait prévu de faire des plans en hauteur qu’elle a abandonné car il aurait fallu monter dans les arbres et potentiellement les abîmer. « C’est un geste assez radical d’adapter sa mise en scène à l’environnement » explique Alissa Aubenque.
  • Tempête est aussi un film avec un vrai engagement écologique et social d’après Mathieu Delahousse. Pour lui, « c’est important d’avoir une vision globale des choses, et de montrer qu’on peut agir de plein de manières ».
« Si on se contente d’agir sur les déchets par exemple, ça peut vite tourner au greenwashing. Même si on ne peut pas éviter certains inconvénients, on peut agir ailleurs. Il y a toujours moyen de faire mieux quelque part. » 🤷‍♂️

D’ailleurs pour la 2e année consécutive, Ecoprod va décerner un prix au Festival de Cannes pour récompenser un film « éco-produit » → 11 films sont en compétition, parmi lesquels Caiti Blues de Justine Harbonnier ou Simple comme Sylvain de Monia Chokri.

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En 2022, le film récompensé était :

Réduire l’empreinte carbone d’un film

Pour Alissa Aubenque, « le cinéma, c’est un peu un modèle réduit de la société, donc déjà la première logique c’est la sobriété » aka consommer le moins possible.

Y a plein de pistes à explorer :

  • Sur les transports : penser les lieux de tournage pour éviter d’aller à l’autre bout du monde ou dans des zones accessibles uniquement en 4x4, favoriser des hébergements proches du site, éviter les transports individuels quand c’est possible, utiliser des véhicules électriques et limiter les déplacements de matériels en grosse quantité.
  • Sur les décors : restreindre la création de décors, privilégier un max les matériaux écologiques, se fournir en ressourceries, favoriser le regroupement des décors (et pareil pour les costumes qui peuvent être loués, produit avec des matériaux plus écolo, etc).
  • Sur la consommation d’énergie : encore une fois être vigilant·e sur le lieux de tournage, prendre en compte la possibilité de raccordement, faciliter les raccordements justement notamment dans les grandes villes, et si nécessaire utiliser des groupes électrogènes solaires ou sur batterie plutôt que diesel par exemple.
  • Sur l’alimentation : mettre en place une alimentation végétarienne, locale et de saison le plus possible (sur certains tournages, il faut désormais demander pour avoir de la viande ou du poisson, plutôt que demander pour avoir un plat végétarien).
  • Sur le matériel de tournage : éviter les caméras dernier cri avec une définition tellement précise que c’est pas visible à l’œil nu alors qu’une caméra d’il y a 5 ans fait très bien le travail.
  • Et surtout former tout le personnel : 99% des chef·fes déco interrogé·es dans une enquête affirment être intéressé·es par une formation dédiée à l’éco-conception !

Les bonnes pratiques pour la biodiversité sur le tournage d’un film

D’après Alissa, l’idée est de « toujours s’orienter en fonction du territoire, de faire preuve de bon sens » 👁👄👁

Bref y a vraiment moyen de limiter les dégâts, et c’est pour cette raison qu’Ecoprod devrait bientôt sortir un guide des bonnes pratiques pour protéger la biodiversité !

Décarboné : Qui n’émet pas de gaz à effet de serre.

Interview d'Alissa Aubenque, directrice des opérations à Ecoprod
Interview de Mathieu Delahousse, cofondateur de Secoya
Statista - Number of movies released in the United States and Canada from 2000 to 2022
CNC - Bilan de la production cinématographique 2022
The Shift Project - Décarboner la culture
Ecoprod - Environnement et climat : de nouveaux enjeux pour les acteurs de l'audiovisuel
Sciences et Avenir - Mad Max sème la destruction dans le désert Namibien

Esther Meunier
À la recherche de bonnes nouvelles

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