Ça fait un paquet de films, en tous cas assez pour s’interroger sur leur impact écologique ! Et ici, on va plutôt s’intéresser à la partie fabrication des films (la production) qu’à la diffusion (y a déjà beaucoup de choses à dire 😌).
Quand on dit « impact écolo » on pense souvent « émissions de gaz à effet de serre », et c’est normal parce que le changement climatique qu’elles provoquent sont une préoccupation majeure.
Et il se trouve que produire un film, ça émet pas mal de gaz à effet de serre. Selon un rapport de The Shift Project, la production d’un film français émet entre 500 et 1000 tonnes de CO2 → 750 tonnes en moyenne. C’est l’équivalent de ce que polluent 75 Français·es sur une année entière.
Mais alors d’où viennent ces émissions ?
Les lieux de tournages sont parfois éloignés, par exemple sur 6115 jours de tournage de films de fiction français en 2019, 1288 jours l’ont été à l’étranger !
« Que ce soit celui des équipes ou du matériel, c’est un point important » explique Alissa Aubenque, directrice des opérations à Ecoprod (une association qui se penche sur ce sujet depuis 2009). Elle ajoute :
« Il y a beaucoup de trajets inutiles qui alourdissent le bilan carbone. »
Bah oui, est-ce que c’est vraiment important de tourner une scène sur une plage du bout du monde alors qu’il y a presque 6000 km de côtes rien qu’en France continentale ? 😶
Après le transport, une autre source de pollution est la consommation de ressources matérielles : les décors notamment, qu’on construit au début et qu’on détruit à la fin, pas toujours fabriqués avec des matériaux écologiques.
« Encore une fois, est-ce qu’il y a besoin de créer une salle à manger de toutes pièces, ou est-ce qu’on peut tourner dans une salle à manger existante par exemple ? » demande Mathieu Delahousse, cofondateur de Secoya, la première entreprise de conseil en écoresponsabilité pour le secteur audiovisuel en France.
Un tournage a besoin d’être alimenté en électricité notamment pour les éclairages et tout le matériel technique (caméras etc). Et l’électricité, c’est pas neutre écologiquement.
En France on est sur un mix assez décarboné*, mais c’est pas toujours le cas à l’étranger 😬 Et même en tournant en France, il y a des exceptions :
« Si c’est en forêt, en bord de mer, en plein milieu de la campagne… Les raccordements électriques ne sont pas toujours faciles. Même au milieu de Paris, on a pas forcément les bonnes puissances, les raccordements au bon endroit, donc on utilise des groupes électrogènes qui fonctionnent avec des énergies fossiles en général » explique Alissa Aubenque.
Un tournage mobilise énormément de monde, qu’il faut bien nourrir.
Pas tout à fait. D’après Mathieu Delahousse, « aujourd’hui, il nous manque un certain nombre d’infos : la post-production, le stockage de données, la “virtual production” où on tourne sur des écrans LED comme c’est le cas pour “The Mandalorian”… ». On maîtrise aussi moins l’impact des cosmétiques par exemple.
Normalement, ces données devraient bientôt être affinées grâce à une nouvelle politique du CNC, qui va imposer à tous les films qu’il soutient (à savoir : la plupart des films français) de réaliser plusieurs bilans carbone 🤓
« On va souvent dans des endroits magnifiques pour tourner mais il y a assez peu de sensibilisation des équipes sur la protection de ces lieux. »
Alissa Aubenque
Quelques cas célèbres de grosses destructions :
« Plus récemment il y a eu des histoires de perturbations d’animaux : des chauves-souries dans une grotte, des flamands roses en Camargue qui ont abandonné leurs œufs suite à des prises de vue aériennes il y a quelques années, ou bien des arbres coupés parce qu’ils gênaient une prise de vue pour correspondre à ce que souhaitait l’équipe » poursuit Alissa Aubenque.
Tu l’auras compris y a quand même pas mal de trucs à améliorer. Et c’est possible, parce qu’il y a des films qui s’en sortent mieux que d’autres ☝️
« Si on se contente d’agir sur les déchets par exemple, ça peut vite tourner au greenwashing. Même si on ne peut pas éviter certains inconvénients, on peut agir ailleurs. Il y a toujours moyen de faire mieux quelque part. » 🤷♂️
D’ailleurs pour la 2e année consécutive, Ecoprod va décerner un prix au Festival de Cannes pour récompenser un film « éco-produit » → 11 films sont en compétition, parmi lesquels Caiti Blues de Justine Harbonnier ou Simple comme Sylvain de Monia Chokri.
Pour Alissa Aubenque, « le cinéma, c’est un peu un modèle réduit de la société, donc déjà la première logique c’est la sobriété » aka consommer le moins possible.
Y a plein de pistes à explorer :
D’après Alissa, l’idée est de « toujours s’orienter en fonction du territoire, de faire preuve de bon sens » 👁👄👁
Bref y a vraiment moyen de limiter les dégâts, et c’est pour cette raison qu’Ecoprod devrait bientôt sortir un guide des bonnes pratiques pour protéger la biodiversité !
Décarboné : Qui n’émet pas de gaz à effet de serre.
Interview d'Alissa Aubenque, directrice des opérations à Ecoprod
Interview de Mathieu Delahousse, cofondateur de Secoya
Statista - Number of movies released in the United States and Canada from 2000 to 2022
CNC - Bilan de la production cinématographique 2022
The Shift Project - Décarboner la culture
Ecoprod - Environnement et climat : de nouveaux enjeux pour les acteurs de l'audiovisuel
Sciences et Avenir - Mad Max sème la destruction dans le désert Namibien