LE gros sommet annuel sur le climat s’est officiellement terminé dans la nuit du samedi 19 au dimanche 20 novembre à Charm el-Cheikh en Égypte. Si t’as rien suivi, on te récap les infos à retenir de ces 2 semaines de négos 🤟
La déclaration finale
Les avancées
- La déclaration finale mentionne (et c’est une première) les énergies renouvelables dans la catégorie des énergies à basse émission (alors qu’avant en général ça renvoyait surtout au nucléaire). Une reconnaissance de leur potentiel ?
- Elle réaffirme aussi l’objectif de maintenir le réchauffement climatique à +1,5°C fixé par l’Accord de Paris. Et c’est une victoire, car il y avait de sérieux doutes sur le fait que cet objectif soit encore possible à atteindre…
Les mauvaises nouvelles
- Maintenir l’objectif de 1,5°C c’est bien, mais faut se donner les moyens de l’atteindre. Or l’humanité se dirige plutôt vers un réchauffement de +2,5°C pour le moment… Et le texte final de la COP27 ne met aucun coup de pression aux pays pour qu’ils prennent des mesures plus ambitieuses pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.
- La déclaration appelle à « accélérer les efforts vers la réduction progressive de l'utilisation du charbon sans capture (de CO2) et la suppression des subventions inefficaces aux combustibles fossiles ». Si le charbon est bien inclus dans ce point, il n’y a écrit nulle part qu’il faut aussi réduire l’usage (et pas seulement les subventions) du pétrole et du gaz (deux énergies fossiles très polluantes) 🤔
Les financements
L’argent, c’est le nerf de la guerre, et il en faut notamment pour mettre en œuvre 3 stratégies :
- Atténuer le changement climatique
- S’adapter au changement climatique
- Faire face aux dégâts que celui-ci causera quand même dans tous les cas → C’était un des sujets centraux et très (très) (très très) tendu pendant cette COP27, parce que ce sont les pays du Sud qui souffrent le plus de ces conséquences, alors même qu’ils sont les moins responsables du changement climatique. Donc ils demandent aux pays du Nord de payer… mais jusque là ces derniers étaient pas hyper chauds 😬
Les avancées
- La création d’un fond dédié aux pertes et dommages a été validée, et c’est « historique » selon beaucoup de participant·es : il devra trouver et distribuer des ressources financières supplémentaires par rapport à ce qui existe déjà en matière de financement climat, pour faire face aux impacts « économiques et non-économiques » du changement climatique dans les pays en développement. RDV l’année prochaine à la COP28 de Dubaï pour définir précisément comment il fonctionnera → un comité de transition a été créé pour plancher là-dessus d’ici là.
- En parallèle, plusieurs autres annonces de financement ont été faites, avec notamment un « Global Shield », lancé par l’Allemagne avec une douzaine de pays ayant promis un total de 210 million d’euros pour ce fond qui devrait fonctionner sur un modèle d’assurances : le but est de rendre de l’argent disponible pour les pays dans le besoin rapidement en cas de catastrophe.
- Il y a aussi eu des progrès concernant le Réseau de Santiago : un programme lancé en 2019 qui devait aider les pays vulnérables à évaluer leurs besoins en manière de pertes et dommages et leur fournir une assistance technique… mais qui s’arrêtait à un site internet pour l’instant → la COP27 a permis de définir un vrai mode de fonctionnement 🙌
- L’UE a aussi promis 1 milliard d’euros, mais cette fois-ci pour aider le continent africain à s’adapter au changement climatique (par exemple pour renforcer le système d’alerte de catastrophe naturelle).
Les mauvaises nouvelles
- Il va falloir sérieusement se bouger pour mettre des sous dans le fond dédié à ces pertes et dommages, parce que tout ça coûte vraiment très cher ! Pour te donner une idée :
- Rien que les inondations de cet été au Pakistan pourraient nécessiter 10 à 40 milliards de dollars.
- Une estimation citée par Oxfam indique que les besoins pourraient se situer entre 290 et 580 milliards de dollars d’ici 2030 !
- Plus globalement, un rapport publié pendant cette COP a établi qu’il faudrait 2400 milliards de dollars par an d’ici 2030 pour que les pays du Sud puissent faire face au changement climatique en général (pas que sur les dégâts donc, mais aussi pour réduire leurs émissions et s’adapter au changement par exemple). Sur ces 2400 milliards, au moins 1000 milliards doivent venir d’investisseurs extérieurs à ces pays, et leurs promesses en sont bieeeeen loin pour l’instant.
Les engagements climatiques
Autre gros sujet de cette COP27 faire le point sur les engagements climatiques pris par chaque pays lors de la COP21 en 2015 et de la COP26 l’année dernière à Glasgow.
Les avancées
- L’Inde a présenté sa stratégie pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2070 (une promesse qu’elle avait déjà faite à la COP26). Sa stratégie inclut le développement des biocarburants, des énergies renouvelables et des technologies de capture carbone.
- Plusieurs pays ont revu leurs engagements climatiques à la hausse : l’Union Européenne (objectif de réduire ses émissions d’au moins 57% d’ici 2030 versus 55% avant), la Turquie (objectif de réduire ses émissions de 41% d’ici 2030 versus 21% avant), et le Mexique (objectif de réduire ses émissions de 35% d’ici 2030 versus 22% avant).
- 50 nouveaux pays ont décidé de rejoindre le « Global Methane Pledge », un engagement qui vise à réduire les émissions de méthane (un gaz à effet de serre super puissant qui vient entre autres des rots et pets de vache 🐮) de 30% d’ici 2030. Ça fait donc un total de 150 membres !
Les mauvaises nouvelles
- Au terme de la première semaine de la COP27, le Global Carbon Project (une organisation qui essaye de quantifier les émissions de gaz à effet de serre dans le monde) est venue casser l’ambiance en publiant un nouveau rapport dans lequel elle estime que limiter le réchauffement de la planète en dessous de 1,5°C (comme le veut l’Accord de Paris) est désormais un objectif hors d’atteinte… #sad
- On parlait du pacte sur le méthane un peu plus haut. La bonne nouvelle c’est qu’il existe (🎉) mais la mauvaise c’est que la Chine, l’Inde et la Russie qui sont quand même de gros émetteurs à l'échelle mondiale n’en font toujours pas partie (😢).
Protection de la nature
Les avancées
- Le président français Emmanuel Macron a évoqué dans son discours du 7 novembre une éventuelle interdiction de l’exploitation minière en eaux profondes (= pratique qui consiste à extraire des minéraux situés très profond dans l’océan). C’est la première fois qu’un dirigeant politique évoque directement une interdiction (et pas un moratoire → qui permet de suspendre quelque chose sans retirer totalement la possibilité de la relancer). Pour rappel, l’exploitation en eau profonde est ultra-critiquée par les écologistes pour son potentiel impact sur les écosystèmes marins et leur biodiversité 🐠
- Le futur président du Brésil Lula a promis de « faire tout ce qu'il faut » pour freiner la déforestation de la forêt amazonienne. Il s’est notamment engagé à replanter 12 millions d’hectares (environ 4 fois la surface de la Belgique) 🌳
- Toujours sur les forêts : le Brésil, l’Indonésie et la République démocratique du Congo ont lancé leur propre OPEP des forêts. En gros ils vont travailler main dans la main pour protéger leurs forêts tropicales (ils abritent à eux trois 52 % des forêts tropicales intactes de la planète !).
Politique
Les mauvaises nouvelles
- Lobbyistes partout, écologie nulle part : l’année dernière déjà l’asso Global Witness avait pointé la présence (massive) de lobbyistes des énergies fossiles. Rebelote pour cette COP27, où les représentants des industries du gaz et du pétrole formaient la plus grosse délégation présente (oui oui).
- Coca-Cola était quand même un des sponsors de cette COP, donc niveau message envoyé (sachant que c’est l’entreprise qui génère le plus de déchets plastiques au monde) c’est pas terrible 🤷
- Le sommet mondial ne s’est pas passé dans une ambiance ultra apaisée. Les Nations Unies ont notamment ouvert une enquête contre la police égyptienne pour « violations du Code de conduite ». Cette décision fait suite à des plaintes de militan·tes sur place, ainsi qu’à une plainte pour « surveillance » déposée par la délégation allemande. Avant même le début du sommet, l’ONG Human Rights Watch évoquait déjà des trucs problématiques, comme l’installation de caméras dans les taxis sur place ou les process très compliqués pour accéder à l’espace de négociations.
- Le sort du prisonnier politique Alaa Abdel Fattah a été un des fils rouges (tragiques) de la COP27. Le détenu égypto-britannique a entamé la COP27 par une grève de la soif, qui s’ajoutait à une grève de la faim qu’il menait déjà depuis 7 mois. Il a fini par être hospitalisé, et serait toujours dans un état préoccupant selon sa famille. Son geste visait à attirer l’attention sur le sort des prisonniers politiques en Égypte.
Témoignage
Prune de CliMates
« Je ressors de cette COP avec une impression un peu mitigée. Les négociations pas si accessibles que ça, si on ne connaît pas les dossiers c’est difficilement compréhensible. Et en tant que jeune, j’ai pas eu l’impression d’avoir eu tant de poids que ça sur les négociations.
Niveau ambiance sur place : quasiment toutes les actions de la société civile était sur le sujet des pertes et dommages, et aussi sur le sujet des droits humains. Sur les pertes et dommages, j’ai senti de la rage, de l’agacement, de la peur aussi chez certain·es activistes.
Mais après ça restait aussi festif, il y avait des happenings avec des gens qui dansaient organisés par des pays en première ligne. C’était touchant de voir que ces pays les plus menacés gardent de la joie. »